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ALLEMAND ART

Parler d'art allemand, comme d'art italien ou d'art français, n'a rien qui surprenne aujourd'hui, tant ces catégories semblent évidentes. Apparues avec l'essor de l'histoire de l'art au xixe siècle, elles sont pourtant relatives et problématiques, car cet essor, contemporain de celui des nationalismes, lui est lié. Entend-on par art national l'ensemble des œuvres produites dans un pays ou par les artistes d'un pays, ou bien celles qui se distinguent par certains traits spécifiques et constants à travers les siècles ? Dans le premier cas, encore faudrait-il, s'agissant de l'Allemagne, définir ce pays aux frontières mouvantes. En l'absence d'unité politique et de cohérence territoriale, mieux vaudrait, jusqu'au xixe siècle, parler d'art germanique en se fondant sur l'appartenance à un même domaine ethno-linguistique, ou sur la conscience d'une communauté culturelle. Mais l'unification d'une Allemagne dont l'Autriche était exclue a entraîné l'apparition de l'idée d'un art autrichien distinct de l'art allemand avec lequel il s'était pourtant confondu depuis toujours. De même n'assimile-t-on pas à ce dernier celui de la Suisse alémanique, bien qu'Arnold Böcklin (1827-1901) ait été revendiqué à son époque par l'Allemagne, au point qu'il a pu passer pour un peintre allemand par excellence – le plus allemand des peintres de son époque ? Cette façon de voir repose sur la croyance en une spécificité à la fois stylistique et spirituelle liée à l'existence d'une entité transhistorique, qu'il s'agisse de la nation, du peuple ou de la race, indépendante des frontières étatiques et des aléas de l'histoire.

Bien avant le xixe siècle, pourtant, les auteurs qui écrivaient sur les peintres du passé distinguaient déjà entre les écoles florentine, romaine, vénitienne, bolonaise, puis française et flamande, cette dernière comprenant aussi les peintres allemands. La notion d'école renvoyait, en même temps qu'à un ou plusieurs maîtres, à telle ou telle qualité picturale, qu'il s'agisse du dessin à Rome, de la couleur à Venise ou de l'observation non idéalisée de la nature dans les Flandres et en Allemagne. D'où le jugement porté par tous les auteurs français sur Dürer, aux xviie et xviiie siècles, qu'il avait su imiter la nature telle qu'elle est, mais qu'il avait ignoré la belle nature.

Toutefois, la perspective change dès la seconde moitié du xviiie siècle, avec l'essor du sentiment national qui accompagne les Lumières en Allemagne. Les auteurs liés à ce courant d'idées refusent la culture welche (française) des cours allemandes, qui passe pour une expression de l'absolutisme, et se penchent sur les origines d'un art allemand dont ils affirment l'existence et l'excellence. Cette quête des origines les conduit à se tourner vers la peinture nordique du xve siècle, et d'abord vers les grands Flamands, Memling puis Van Eyck et Van der Weyden, intégrés par un significatif retour des choses à ce qu'on appelait alors l'ancienne peinture allemande (altdeutsche Malerei). D'où la constitution, au début du xixe siècle, de collections qui font aujourd'hui la gloire des musées de Munich et de Berlin. Fondée sur la parenté linguistique du flamand et du hollandais avec les dialectes d'Allemagne du Nord, cette assimilation réapparut dans la première moitié du xxe siècle, où la notion de peinture germanique en vint à englober, avec Rembrandt, tous les peintres hollandais.

À la fin du xviiie siècle, cependant, la peinture, dans cette recherche d'une identité culturelle, avait joué un rôle moindre que la littérature et l'architecture. Si Dürer prend les dimensions d'un héros national[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève

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