- 1. Style et accueil des œuvres d'art
- 2. Fonctions traditionnelles
- 3. Le poids de la société
- 4. Un cas exemplaire : la peinture des tombeaux égyptiens
- 5. Le prétendu réalisme de Giotto
- 6. L'horizon de l'œuvre de Dubuffet
- 7. L'objet de civilisation au Moyen Âge et à la Renaissance
- 8. L'objet de civilisation contemporain. Delaunay
- 9. L'art, dialectique du réel et de l'imaginaire
- 10. Bibliographie
ART (Aspects culturels) L'objet culturel
Fonctions traditionnelles
Elle repose, en premier lieu, sur l'idée que la peinture a pour fonction ancestrale de représenter ou copier la nature ; les frondaisons, les ciels d'orage, les cours d'eau seraient les thèmes éternels que l'artiste ne peut abandonner sous peine d'engager la création picturale dans l'impasse. Cette opinion est moins ancienne et moins nécessaire qu'on ne le croit généralement.
Lorsque Léonard de Vinci s'attache à peindre le visible, la Nature, avec un grand « N », n'est jamais pour lui et pour ses contemporains que le « système du monde », c'est-à-dire une conception de l'univers physique, accordée à la science et aux techniques de son temps. De plus, tout l'art occidental, s'il est d'apparence réaliste, n'en véhicule pas moins, de la figure de l'éphèbe antique à celle de l'homme « mesure de toute chose » qui a prévalu à la Renaissance, un certain nombre de valeurs qui viennent doubler la vision directe des êtres et des choses. Pendant des siècles, les artistes ont peint la vie et la mort du Christ, les scènes de la mythologie gréco-romaine, les couronnements, les batailles, pour une société nourrie de culture classique qui les identifiait au premier coup d'œil. « Rappelez-vous donc, jeune homme, que quand on exécute une figure, on doit toujours penser à l'antique. La nature, mon ami, c'est très bien comme élément d'étude, mais ça n'offre pas d'intérêt », enseignait encore Gleyre à Claude Monet. L' impressionnisme a été, au contraire, le premier grand mouvement pictural à rompre avec les « sujets nobles » dont on pensait jusqu'alors qu'ils étaient seuls générateurs de beauté.
Il remplace, en effet, la fiction narrative (raconter la vie et la mort du Christ, etc.) sur laquelle est fondée la tradition, par une observation du visible. On attribue le plus souvent le scandale dont il fut l'objet, à la fin du xixe siècle, à l'utilisation de tons clairs, de pastilles colorées, au style d'esquisse qui faisaient dire aux contemporains de Pissarro et de Renoir que leur art était « débraillé ». Mais, si l'Olympia de Manet a déchaîné les passions au Salon de 1865, c'est principalement parce qu'on la trouvait « sale ». À la Naissance de Vénus de Cabanel, déifiée et aseptisée, sa facture même opposait l'image d'une femme charnelle ; elle cassait les reins à l'idéalisation. Les impressionnistes se sont voulu les peintres de la vie moderne, attirés par tout ce qui, dans une civilisation nouvelle, les entourait. Jamais avant eux les artistes ne s'étaient fait un dogme d'aller « travailler sur le motif », dans la forêt de Fontainebleau ou à l'intérieur de la gare Saint-Lazare, afin d'analyser les ombres, de décomposer la lumière. L'impressionnisme est la forme ultime prise par la peinture durant la période positiviste du développement de notre société industrielle ; il est, selon l'acception philosophique du terme, un phénoménisme. De là, l'idée toute passagère du peintre, enregistrant l'image du monde extérieur déposée sur sa rétine.
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Écrit par
- Jean-Louis FERRIER : docteur ès lettres
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