- 1. Style et accueil des œuvres d'art
- 2. Fonctions traditionnelles
- 3. Le poids de la société
- 4. Un cas exemplaire : la peinture des tombeaux égyptiens
- 5. Le prétendu réalisme de Giotto
- 6. L'horizon de l'œuvre de Dubuffet
- 7. L'objet de civilisation au Moyen Âge et à la Renaissance
- 8. L'objet de civilisation contemporain. Delaunay
- 9. L'art, dialectique du réel et de l'imaginaire
- 10. Bibliographie
ART (Aspects culturels) L'objet culturel
Un cas exemplaire : la peinture des tombeaux égyptiens
À vrai dire, il existe certains domaines de la création picturale pour lesquels on commence à le comprendre , la peinture égyptienne, par exemple. On connaît le rôle qu'elle devait remplir dans les tombeaux, assister les âmes dans l'au-delà ; dès lors on ne s'étonne plus des libertés qu'elle prend avec la figuration du monde visible. Cette fonction avait d'abord été remplie par les serviteurs et les esclaves du défunt qu'on tuait et ensevelissait avec lui. L'art, lorsqu'il prit la relève, restitua cet entourage, non pas selon les critères de la ressemblance dont on n'avait que faire, mais sur l'unique plan qui comptait vraiment : celui de l'efficacité que tout notable était en droit d'exiger d'un service dans une civilisation hautement hiérarchisée. Ainsi s'expliquent, dans toutes les chambres funéraires de l'Égypte, les différences d'échelles entre les personnages, nullement visuelles, mais expressives de leur fonction sociale, la foule des pêcheurs, des artisans, des paysans prêts à subvenir au moindre besoin. Ainsi se comprend la figuration du corps vu simultanément de profil et de face, montrant le buste et l'attache des bras, la souplesse des jambes. La peinture égyptienne doit d'abord « maintenir en vie ». On lui demande d'être la plus complète possible. À ce prix seulement, elle se trouvera en mesure de parer à toute éventualité.
Certes, elle fourmille de vérités anecdotiques. Élie Faure déjà notait l'allure tour à tour massive ou joyeuse des bêtes domestiques, leurs ruminations infinies, leurs frissons de peau et d'oreilles, le dandinement des canards et des oies, la saveur des fruits. Ce naturalisme toutefois est secondaire par rapport à la structure d'ensemble, il ne se manifeste que dans une combinaison de signes qui préexistent et lui donnent sa cohérence. La tentative a été faite de restituer cinématographiquement le mouvement de nautoniers égyptiens halant une embarcation. Le film montre que c'est bien une série de gestes qui se succèdent et s'agencent sur l'écran plastique, s'emboîtant les uns dans les autres ; le peintre ici, des millénaires avant la chronophotographie, connaissait le moyen de les décomposer. Mais lorsqu'on prétend y trouver la preuve d'un essai encore maladroit d'animation illusionniste, la démonstration s'écroule aussitôt. Si tous les mouvements y figurent c'est que la destination même de la peinture, dans la vallée du Nil, voulait qu'ils y fussent tous contenus. En aucune manière, il ne s'agissait de les « représenter », au sens que l'académisme a donné à ce mot par la suite. Si on a longtemps considéré la peinture égyptienne comme primitive, ce fut faute d'une lecture correcte, de savoir extirper la taie positiviste qui, trop souvent, nous obscurcit le regard.
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Écrit par
- Jean-Louis FERRIER : docteur ès lettres
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