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ART BRUT JAPONAIS II (exposition)

Des mondes parallèles

Avec de simples crayons, de l’encre, des marqueurs de couleur ou des stylos à bille, le papier offre un support expressif aux émotions. Aoki Takeru propose des portraits de célébrités de la chanson ou de la télévision. Son style évoque les personnages du théâtre kabuki aux visages blanchis de fards, aux traits accentués. Les écritures occidentales (Miyashita Yukio) ou idéographiques (Nakajima Ryosuke) servent des compositions graphiques. Des yōkai, monstres invraisemblables, inspirent à profusion une autre artiste, Hakunogawa. Issus de la culture populaire ou savante, ces personnages sont familiers du grand public grâce aux mangas extravagants du célèbre Mizuki Shigeru (1922-2015) – lui-même héritier de l’univers de Kuniyoshi Utagawa (1798-1861), l’un des derniers grands maîtres japonais de l’estampe sur bois ou Ukiyo-e. Les dessins de villes imaginaires inspirent bien des œuvres sur papier qui tirent parti des formats traditionnels de rouleaux à déroulement vertical (kakemono) ou horizontal (makimono), comme chez Kokubo Norimitsu, qui propose un immense panorama du monde en couleurs (1,60 × 8 m), étranger aux lois de la perspective.

Des productions sont réalisées dans le cadre de thérapies, comme à Omigakuen, un établissement créé en 1946 par le père du système japonais moderne de protection des handicapés et situé dans la préfecture de Shiga. Elles illustrent l’encadrement thérapeutique d’un processus répétitif plus que la sauvagerie d’une œuvre née dans l’incontrôlé créatif. Mais, si les institutions favorisent l’expression artistique, elles ne génèrent pas la force expressive des créateurs les plus remarquables. Enfin, une petite salle est réservée aux œuvres de deux artistes, Karaki Yukio et Hironaka Masaki, qui habitaient à quelques kilomètres d’Hiroshima lors du bombardement de la ville. Tous deux ont commencé tardivement à créer, en peignant sur toile pour l’un, en dessinant sur des carnets pour l’autre. Il s’agit de témoignages dans un style naïf qui restituent l’horreur d’un traumatisme indépassable.

Si les artistes d’art brut inventent leur propre langage figuratif, leur propre mythologie, l’altérité demeure leur point commun. Cette exposition montre combien, au-delà des motifs propres à la culture japonaise, l’art brut nous confronte à sa complexité.

— Nelly FEUERHAHN

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Média

<em>Sans titre</em>, Atsumi Keisuke - crédits : Collection de la famille de l'artiste/ Halle Saint-Pierre

Sans titre, Atsumi Keisuke