Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ART COLONIAL

L'Inde (1497-1947)

L'histoire de l'art colonial en Inde peut être envisagée dans la perspective des quatre siècles et demi qui relient le départ de Vasco de Gama des rives du Tage pour les rivages du Kérala, le 8 juillet 1497, au retour à Londres de lord Mountbatten après la partition de l'Empire britannique des Indes dans la nuit du 14 au 15 août 1947.

La présence européenne ininterrompue dans le monde indien de 1497 à 1947 s'articule en trois périodes principales : à partir de 1497, la politique monopolistique du commerce maritime portugais en Asie intensifie rapidement les échanges transocéaniques et marque profondément l'imaginaire de l'Inde que l'Europe avait reçu en héritage de l'Antiquité et du Moyen Âge ; puis, au début du xviie siècle, l'établissement des Compagnies anglaise, française, hollandaise et danoise des Indes orientales transpose les rivalités monarchiques européennes sur la scène asiatique et prépare le terrain des hégémonies coloniales ; enfin, au milieu du xviiie siècle, la couronne britannique évince tour à tour ses concurrents, et se substitue peu à peu à l'Empire moghol (1526-1857) avant de régner directement de 1858 à 1947 sur la majeure partie de l'Asie du Sud.

Quatre domaines sont envisagés dans cet article : urbanisme, architecture et sculpture, arts graphiques, arts décoratifs. Ce n'est pas là un exposé exhaustif de quatre siècles et demi d'art colonial dans cette partie du monde, mais plutôt une sélection représentative des rapports entre présences européennes et productions artistiques en Inde. Enfin, la réception en Europe de l'architecture et des arts indiens est analysée, car elle permet de souligner qu'en Inde comme ailleurs les limites de l'histoire de l'art ne correspondent pas étroitement à celles de l'histoire politique. Le cadre trop restreint d'une histoire qui considère le phénomène colonial comme un rapport de forces entre puissances dominantes et dominées ne saurait suffire à cerner la complexité des échanges artistiques entre Orient et Occident.

Présences européennes en Inde

Urbanisme

En 1950, l'invitation faite à Le Corbusier de concevoir le plan de Chandigarh, nouvelle capitale de l'état du Penjab, traduit de la part de Jawaharlal Nehru, premier Premier ministre de la République indienne, une volonté d'inscrire l'Inde sur les registres de la modernité et de tourner ainsi la page de son passé colonial.

New Delhi

Dans la nuit du 14 au 15 août 1947, lord Mountbatten, dernier vice-roi des Indes, déclare l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, si bien que l'ambition de faire de New Delhi un écrin pour le joyau de la couronne britannique n'aura été que de courte durée. Officiellement inaugurée en février 1931 en tant que capitale de l'Empire des Indes, New Delhi s'articule, selon les plans d'Edwin Lutyens et de Herbert Baker, autour de deux axes principaux : Queen's Way reliant le Parlement à la vieille ville de Delhi au nord, King's Way reliant les ruines de la citadelle moghole de Purana Qila à la résidence du vice-roi et au siège du gouvernement, à Raisana Hill, qui surplombent un vaste réseau viaire étoilé, tracé au milieu d'espaces verts et de bungalows destinés aux nombreux fonctionnaires expatriés.

En décidant de transférer sa capitale de Calcutta à Delhi en 1911, le gouvernement colonial choisit certes de se recentrer plus au cœur du sous-continent indien, mais il cherche aussi à s'inscrire dans les traces de l'Empire moghol, en tant que successeur légitime d'une longue série de souverains étrangers. Cette décision provoque un vif débat idéologique et stylistique pour déterminer parmi les traditions orientales et occidentales celles qui incarneraient le mieux les valeurs de la civilisation britannique. Les élites[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art moderne à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : doctorant au département d'histoire de l'art et de l'architecture à l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)

Classification

Médias

Puebla (Mexique) - crédits : Sean Sprague/Mexicolore,  Bridgeman Images

Puebla (Mexique)

Quito (Équateur) - crédits : Jeremy Horner/ The Image Bank/ Getty Images

Quito (Équateur)

Autres références

  • ARCHITECTURE COLONIALE ET PATRIMOINE (dir. M. Pabois et B. Toulier)

    • Écrit par
    • 948 mots

    La publication des actes de la table ronde organisée, en septembre 2003, par l'Institut national du patrimoine à Paris sur le thème de l'architecture coloniale et du patrimoine (I. L'Expérience française, I.N.P.-Somogy, Paris, 2005, suivi de II. Architecture et patrimoine coloniaux...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - L'architecture

    • Écrit par
    • 12 026 mots
    • 9 médias
    ...des colons espagnols. Ceux-ci ont adopté certaines techniques locales et les ont associées à des savoir-faire et à des modèles venus de la métropole. L'architecture coloniale espagnole doit son originalité et sa force à cette synthèse, en témoignent les édifices construits sur le territoire devenu ultérieurement...
  • VIETNAM. À TRAVERS L'ARCHITECTURE COLONIALE (A.Le Brusq) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 929 mots

    Les colonies furent un laboratoire passionnant et méconnu en matière d'architecture. En Indochine, la France inventa ainsi une architecture « vietnamienne », forgée souvent de toutes pièces dans les agences d'architecture parisiennes et dans les concours arbitrés au ministère des Colonies, dont l'actuelle...