CONCRET ART
« Peinture concrète et non abstraite parce que rien n'est plus concret, plus réel qu'une ligne, qu'une couleur, qu'une surface. » C'est dans ces termes que les membres du groupe Art concret, formé en 1930 à Paris par Theo Van Doesburg (1883-1931), revendiquent une forme d'art non figuratif ayant délibérément rompu avec tout processus d'abstraction progressive des aspects du monde réel, pour privilégier le maniement direct et raisonné des constituants plastiques de l'œuvre d'art. Bien que la notion en ait été présente dès les débuts de l'abstraction, le terme ne s'impose que dans les années 1930. Wassily Kandinsky (1866-1944) l'adopte peu de temps après, précédé par Hans Arp (1887-1966) qui déclarait dès 1931 : « Je trouve qu'un tableau ou une sculpture qui n'ont pas eu d'objet pour modèle sont tout aussi concrets et sensuels qu'une feuille ou une pierre. » La dénomination est aussitôt prise en compte par l'histoire de l'art, sous la plume d'Alfred Barr dans le catalogue de l'exposition Cubism and Abstract Art (New York, 1936). Elle en vient alors à désigner indistinctement des pans entiers de l'abstraction géométrique, et même de l'abstraction organique ou biomorphique ; c'est dans cette acception large que sont organisées, par exemple, les expositions KonkreteKunst à Bâle en 1944 puis à Zurich en 1960, ainsi que l'exposition Art concret à la galerie Drouin à Paris en 1945.
Pourtant, dans l'esprit de ses promoteurs, l'art concret visait surtout à établir l'art non figuratif sur des bases plus rigoureuses que celles de l'abstraction traditionnelle, en substituant à la sensibilité et à l'appréciation subjective de l'artiste l'application sans faille de systèmes prédéterminés et de programmes objectivement contrôlables. De cette abstraction à la puissance supérieure naîtront certains des renouvellements parmi les plus significatifs de l'art d'après guerre.
Van Doesburg et le groupe « Art concret »
Les quatre artistes qui se rassemblent en 1930 autour de Theo Van Doesburg (Jean Hélion, Otto Carlsund, Léon Tutundjian et Marcel Wantz) adhèrent à un manifeste, intitulé « Base de la peinture concrète », publié dans le numéro unique d'une revue éponyme, Art concret. Les signataires, qui se placent sous l'exigence d'un « effort pour la clarté absolue », proclament notamment : « L'œuvre d'art doit être entièrement conçue et formée par l'esprit avant son exécution. Elle ne doit rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité. » Dans les mêmes pages, Jean Hélion (1904-1987) désigne la pensée mathématique comme moyen d'atteindre ces objectifs : elle devra permettre de remplacer le mode compositionnel intuitif par une méthode de construction établissant entre ses composantes des relations numériques exactes ou déduites d'un module originel.
Cependant, peu des œuvres alors réalisées par les membres d'Art concret répondent strictement à ce programme, anticipé dès les années 1920 par Georges Vantongerloo (1886-1965) avec des tableaux portant des formules mathématiques en guise de titres, mais sans relation directe avec les compositions effectivement peintes (Composition dérivée de l'équation y = — ax2 + bx + 18 avec vert, orange, violet, S.R.G.M., New York, 1930). Jusqu'en 1932, Hélion organise certaines de ses compositions en fonction de principes de répétition et de progression qui commandent à la fois la taille, le nombre et la disposition de segments noirs ou colorés (Composition, musée de Grenoble, 1932). Van Doesburg, quant à lui, avait donné dès le milieu des années 1920 une Contre-composition dont les lignes diagonales étaient[...]
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
Classification
Média
Autres références
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- Écrit par Anne BOÉDEC
- 1 968 mots
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