ART CONTEMPORAIN
Le marché de l'art contemporain
Au cours des années 1980, les valeurs artistiques de l'art contemporain dit international ont été définies et hiérarchisées au sein du monde de l'art occidental, qui a fourni un exemple particulièrement pur des interactions existant entre le champ culturel et le marché. Dans le premier s'opéraient et se révisaient les évaluations esthétiques. Dans le second se réalisaient les transactions et s'élaboraient les prix. Alors qu'ils possédaient chacun leur propre système de fixation de la valeur de l'art, ces deux réseaux entretenaient des relations d'étroite interdépendance. Nous nous proposons d'analyser ici l'évolution de ces relations en fonction des nouveaux contextes politiques, économiques et culturels. Quels ont été les effets de la mondialisation de la scène artistique et de la financiarisation croissante de l'économie sur les structures et le fonctionnement du marché de l'art ? Quelle relation existe-t-il aujourd'hui entre valeur économique et valeur esthétique, dans une société accordant la primauté aux valeurs économiques à un degré tel qu'on peut se demander s'il est possible que l'art soit appréhendé par ceux qui l'achètent et, à la limite, par ceux qui le regardent indépendamment de sa signification monétaire ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous avons choisi de privilégier le segment du marché consacré à l'art contemporain dont les envolées spéculatives ont marqué le début du xxie siècle.
L'art comme placement
L' œuvre d'art, au sens traditionnel du terme, est un bien rare, durable, qui offre à son détenteur outre un plaisir esthétique, des services sociaux (distinction, prestige) et financiers. Elle ne procure pas de revenus, mais, du fait qu'elle est un bien meuble, susceptible d'être revendu avec une éventuelle plus-value, elle constitue un objet potentiel de placement alternatif à d'autres actifs.
Le marché de l'art et la Bourse
L'analogie, trop souvent soulignée, en particulier par les médias, entre le marché des ventes aux enchères d'œuvres d'art et la Bourse des valeurs appelle de nombreuses réserves. On rappellera seulement ici trois des caractéristiques spécifiques de l'œuvre d'art considérée comme actif financier. La Bourse constitue un marché où offres et demandes se rencontrent et s'ajustent pour aboutir à un prix représentatif de l'état du marché. Une telle définition implique que toutes les unités de la marchandise soient interchangeables. Au contraire, le marché de l'art se caractérise par la non-substituabilité des œuvres qui relèvent de l'« économie des singularités ». Dans le cas d'un titre, on peut estimer que la valeur actualisée de la part qu'il représente dans les bénéfices attendus de l'entreprise émettrice constitue une référence objective. Dans le cas de l'œuvre d'art, la référence est constituée par la valeur esthétique dont l'estimation comporte, en particulier quand il n'existe pas de recul dans le temps, une marge d'incertitude. Enfin, les cours de la Bourse sont connus du public, tandis que le marché de l'art se caractérise par son absence de transparence. Les résultats des ventes publiques – qui sont les seuls à être divulgués – représentent une sélection nécessairement arbitraire de l'ensemble des transactions. De plus, les prix atteints aux enchères ne reflètent pas toutes les conditions du marché et expriment inégalement la réalité des transactions.
La métaphore de la Bourse, fréquente dans les mondes de l'art et dans l'orchestration médiatique, n'est pourtant pas dénuée de tout fondement. Les comportements spéculatifs de certains des acteurs du monde de l'art, appartenant souvent aux milieux financiers,[...]
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Écrit par
- Yves MICHAUD : professeur de philosophie à l'université de Rouen, membre de l'Institut universitaire de France
- Raymonde MOULIN : directrice de recherche émérite au CNRS
Classification
Médias
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