DAVIS ART (1934-2007)
Peu apprécié sur le Vieux Continent, où une tenace tradition maintient séparés le monde du jazz et l'univers des musiques savantes, repoussé par une certaine Amérique qui n'admet pas la contestation des ostracismes nés d'un racisme quasi général, le contrebassiste américain Art Davis a peiné à obtenir la reconnaissance que lui vaudraient pourtant les multiples facettes de son indéniable talent. Les louanges des plus grands n'y ont rien pu changer : il est resté confiné dans une très injuste semi-obscurité.
Arthur David Davis naît à Harrisburg, en Pennsylvanie (États-Unis) le 6 décembre 1934. Il prend ses premières leçons de piano dès l'âge de cinq ans et pratique le tuba pendant sa scolarité. En 1951, il opte définitivement pour la contrebasse, qu'il travaille avec Roger Scott, chef de pupitre à l'Orchestre de Philadelphie. Dès ses dix-sept ans, il est recruté – en dépit des préjugés raciaux dominants – dans l'Orchestre symphonique de Harrisburg. Il poursuit ses études musicales à partir de 1953, à la prestigieuse Juilliard School of Music de New York (avec le violoncelliste Laszlo Varga) et à la Manhattan School of Music (avec Anselme Fortier, membre de l'Orchestre philharmonique de New York). La maladie de sa mère le contraint à interrompre sa formation classique en 1956. Il s'adonne alors au jazz à la tête d'un petit groupe instrumental. Le grand batteur Max Roach le remarque et, de 1958 à 1961, l'engage à de nombreuses reprises (Max Roach Quintet : Live At Newport, Deeds, Not Words, 1958 ; The Many Sides Of Max Roach, 1959 ; Percussion Bitter Sweet, 1961), et le présente à John Coltrane. À la même époque (1959-1961), Dizzy Gillespie l'appelle dans les ensembles qu'il dirige et le retient pour les tournées qu'il effectue en Europe (Copenhagen Concert, 1959 ; Live At Newport 1960, 1960 ; Gillespiana, 1960).
À New York, Art Davis se partage entre les clubs de jazz, la télévision, les studios d'enregistrement et les participations régulières à de grands orchestres symphoniques, parmi lesquels le Symphony of the Air (1962-1963) – phalange qui regroupe, après le départ d'Arturo Toscanini, en 1954, beaucoup de musiciens issus du N.B.C. Symphony Orchestra – et l'Orchestre de la C.B.S. (1969-1970). Il enregistre avec des personnalités aussi différentes que Coleman Hawkins (Bean Stalkin', 1960), Clifford Jordan (A Story Tale, 1961), Abbey Lincoln (Straight Ahead, 1961), Booker Little (Out Front, 1961), Roland Kirk (We Free Kings, 1961), Gil Evans (Into The Hot, 1961), Gene Ammons (Boss Soul, Up Tight, 1961), Freddie Hubbard (Ready For Freddie, 1961 ; The Artistry Of Freddie Hubbard, 1962), Ahmad Jamal (Macanudo, 1962), Elvin Jones (Elvin !,1961), McCoy Tyner (Inception, 1962), Eric Dolphy (Vintage Dolphy, 1962), Clark Terry (All American, Live At The Village Gate, 1962), Count Basie (Back With Basie, Easin' It, 1962), Art Blakey (Jazz Message, 1963), Bill Evans (Theme From The VIPs And Other Great Songs, 1963)... Surtout, il travaille avec John Coltrane (épisodiquement entre 1958 et 1967, pratiquement à plein temps en 1961), qui le retient pour trois albums historiques : Africa/Brass (1961), Olé Coltrane (1961) et Ascension (1965). Quelle que soit leur appartenance esthétique, tous apprécient au plus haut point la maîtrise technique dont fait preuve Art Davis, la puissance de sa sonorité, la fermeté sécurisante en même temps que la souplesse de son soutien.
On remarque sa présence aux shows télévisés de Merv Griffin et aux spectacles de Judy Garland. Mais la critique américaine, qui l'a longtemps tenu en haute estime, va lui devenir hostile après une série de prises de position publiques en faveur de l'égalité raciale au sein des orchestres symphoniques américains. Le comble est atteint quand Art Davis traîne en 1969 l'Orchestre philharmonique[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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