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ART DE COUR

Le style rayonnant

Paris centralisa les apports des foyers où s'était formée l'architecture rayonnante ; la Sainte-Chapelle de Paris, qui fut terminée en 1248, est, à l'étage, comme une chapelle rayonnante de la cathédrale d'Amiens agrandie ; Jean de Chelles adapta la façade de Saint-Nicaise de Reims au croisillon nord de la cathédrale de Paris. Mais l'écriture meneau, qui fit des églises parisiennes sous Saint Louis des sommes de travées déduites avec une impeccable logique scolastique, ne fut jamais exportée à l'état pur ni dans la France du Nord, ni dans la France du Sud, ni à León, ni à Cologne, et l'Angleterre va affirmer son autonomie : vers la fin du xiiie siècle, à la chapelle royale de Saint-Étienne à Londres et à la cathédrale de Bristol. Dans le chœur de celle de Wells, s'opère la mutation qui inaugure le style decorated, avec la contre-courbe, l'ogee arch, les nervures arborescentes, les voûtes en filets d'étoiles et de losanges.

La Sainte-Chapelle représente la vision d'une église-écrin qui transcende l'échelle de la châsse des reliques de la Passion qu'elle abritait ; de même, l'immense chœur que l'on commence à ajouter à la rotonde carolingienne d'Aix-la-Chapelle après le couronnement de Charles IV (1349) fera de cette église un reliquaire monumental double, au-dessus des châsses de Charlemagne et de la Vierge et des nouveaux reliquaires correspondant à la double dédicace. À la Sainte-Chapelle de Paris, les vitraux diapraient de leurs couleurs vives l'azur constellé d'or des voûtes, la faïence lustrée du pavement et des arcatures serties de quatre-feuilles en verre filigrané d'or et peint de bleu d'émail au revers. Même goût pour un art chatoyant à Westminster, où le peintre du roi, Gautier de Durham, encadra les figures peintes de son polyptyque d'architectures rehaussées d'imitations de camées et de pierres précieuses, et les miracles du Christ d'octogones à huit pointes rappelant les ornements des chapes brodées d'or et de soie de l'opus anglicanum. L'opus anglicanum, peinture à l'aiguille, occupe une place d'autant plus insigne dans les arts décoratifs de l'Angleterre qu'en dehors d'émaux et de vaisselle liturgique en argent elle n'a rien conservé de cette période, à la différence de la France. Les chapes de l'opus anglicanum étaient exportées vers la cour pontificale ; la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges en conserve deux, offertes par Bertrand de Got, qui devait devenir, sous le nom de Clément V, le premier pape d'Avignon. La broderie anglaise ne doit d'ailleurs pas reléguer dans l'ombre la broderie française, particulièrement bien représentée en Suède. Autre exemple de cet art de cour, l'abbaye de Chertsey, dans le Surrey, où Henri III et Édouard Ier eurent leur résidence, fabriqua des carreaux de céramique illustrant la geste de Richard Cœur de Lion et de Tristan et Yseult.

La Sainte-Chapelle avait été aussi le théâtre d'une conception nouvelle de la statuaire monumentale ; le cortège apostolique, symbolisant les piliers vivants sur lesquels s'édifie l'Église, s'appuie contre les piliers mêmes des voûtes, formule qui sera amplifiée à Saint-Nazaire de Carcassonne et reprise à Saint-Jacques-aux-Pèlerins de l'hôpital de Paris, puis à Aix-la-Chapelle. L'individualisation des figures, l'assouplissement des volumes destinés à être vus dans une pénombre colorée marquent cette révolution. C'est aussi la Vierge d'ivoire de la Sainte-Chapelle qui est la première d'une série de statuettes gothiques aussi monumentales que la grande statuaire ; elle sera suivie de celle, non moins royale, de Saint-Denis, aujourd'hui à Cincinnati.

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

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Tombeau de Louis XII, basilique de Saint-Denis - crédits : Hulton Archive/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

Tombeau de Louis XII, basilique de Saint-Denis

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