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ART DE COUR

L'enluminure et son influence sur l'orfèvrerie

Robert Branner a opposé à la thèse reçue depuis Vitzthum (Die Pariser Miniaturmalerei, 1907) le point de vue que les manuscrits peints à Paris après le milieu du xiiie siècle sont en trop grand nombre et d'une qualité trop inégale pour refléter en bloc le goût de la cour. Ils n'ont en commun qu'un maniérisme gothique à divers degrés de raffinement. Des quatre Évangéliaires de la Sainte-Chapelle, seul le numéro 9455 de la Bibliothèque nationale a inscrit la fête des reliques et a bien été exécuté pour la Sainte-Chapelle avant 1248. Les numéros 8892 et 17326 ont été adaptés à son usage ; leurs reliures précieuses datent respectivement d'après 1248 et d'environ 1260. Sont à mettre à part deux manuscrits de luxe, le Psautier de Saint Louis et le Psautier d'Isabelle, épouse de Thibaut V de Champagne, peints, pour une capella regia qui n'est pas la Sainte-Chapelle, de scènes bibliques encadrées d'arcatures empruntées à l'architecture rayonnante parisienne.

De même, il faut revoir la notion du « dirigisme » attribué jusqu'à présent à maître Honoré : il ne serait plus ni le peintre en titre de Philippe le Bel ni l'auteur du fameux Bréviaire de 1296. Mais il n'est pas exclu que Pucelle ait débuté dans l'atelier du gendre de maître Honoré, Richard de Verdun, qui produisit la Légende de saint Denis en trois volumes, remise à Philippe V en 1317. On avait au contraire exagéré le concept de décentralisation dans la production des manuscrits anglais. La Bible de Guillaume de Devon, peut-être l'œuvre du peintre de Henri III, est ornée d'une Crucifixion entre deux séraphins inspirée par celle de la poutre triomphale à Westminster. Au début du xive siècle, des manuscrits luxueux comme le Psautier de Richard de Canterbury, le Psautier de la reine Marie, les Heures d'Alice de Reydon, communément rattachés à l'East Anglia, font resplendir le goût de la cour qui donna le ton sous Édouard II, lui-même grand bibliophile.

Dans le scriptorium de St. Albans se manifesta, avec le chroniqueur artiste Matthew Paris († 1259), un retour à la tradition anglo-saxonne des dessins teintés. Cette technique domine dans les quelque quatre-vingts manuscrits de l' Apocalypse en anglo-normand ou en version juxtalinéaire latin-français, qui s'échelonnent de 1230 à 1330. Le regain d'intérêt pour l'Apocalypse s'étendit de l'Angleterre à tout l'art européen. Elle devait couvrir les murs de la chapelle de la Vierge dans le château de l'empereur Charles IV à Karlštejn. Jean Bondol, qui, vers la fin du règne de Charles V, prépara les cartons de la tapisserie de l'Apocalypse pour Louis Ier d'Anjou, emprunta au roi un manuscrit anglais (aujourd'hui Fr. 403 de la Bibliothèque nationale).

Sur les manuscrits commandés par l'aristocratie en Angleterre, en Picardie et dans la Flandre au cours de la seconde moitié du xiiie siècle, se multiplient dans les marges oiseaux et bestioles, et les grylles dans les bas de page. Ces grotesques témoignent d'un regard qui s'ouvre avec fraîcheur sur le bestiaire de la nature et d'un scepticisme irrespectueux à l'égard de la religion et des valeurs établies. Les classes privilégiées ne s'en effarouchèrent pas ; en lançant la mode, elles en neutralisèrent les effets par la catharsis du jeu. Dans les Heures de Jeanne d'Évreux (épouse de Charles IV le Bel), on compte neuf cents « drolleries ». Il est remarquable que leur auteur, Jean Pucelle, ait été aussi l'artiste qui rapporta d'Italie les procédés de la perspective empirique sous la forme d'architectures-jouets, et que dans l'enluminure française grylles et italianismes déclinèrent après la mort de Pucelle en 1334[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

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Média

Tombeau de Louis XII, basilique de Saint-Denis - crédits : Hulton Archive/ Hulton Royals Collection/ Getty Images

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