DÉDALIQUE ART

Si Dédale est bien l'inventeur des techniques de la représentation du mouvement, c'est par un curieux paradoxe qu'on donna le nom de dédalisme à un style de représentation encore rigide et vue de face, qui caractérise le décor céramique, dit orientalisant, mais surtout la plastique de la fin de la période géométrique, à partir du milieu du ~ viii^e siècle et au ~ vii^e siècle.

L'art dédalique marque profondément les reliefs et les statues de pierre, les plaques et les figurines de terre cuite aussi bien que les petits bronzes, les ivoires et les bijoux en or de l'ensemble du monde grec à cette époque, mais il apparaît principalement comme un phénomène lié aux régions d'origine dorienne.

Le type dédalique procède indéniablement de la statuaire égyptienne ou asiatique. Comme elle, il est caractérisé par une stricte frontalité et une conception très unitaire. À la différence du style géométrique, il dénote une réelle intention de rendre compte de l'anatomie du corps humain. Enfin, il fixe aussi les modalités de représentation des visages, plus ou moins forts ou triangulaires selon les régions, mais toujours mis en valeur par une lourde chevelure assez élaborée et répartie de part et d'autre du visage sur les épaules.

Parmi les différentes provinces du monde grec, la Crète apparaît comme un foyer particulièrement riche et créateur. Elle nous offre, tant en ronde bosse qu'en relief, des séries uniques pour la période. Les fouilles de Gortyne ont mis au jour d'innombrables figurines de terre cuite qui permettent de saisir l'évolution du type de la déesse nue, encore très influencé par l'iconographie de l'Astarté orientale.

Alors que le continent demeure encore marqué par le style géométrique, la Crète va, dès le ~ viii^e siècle et jusqu'au milieu du ~ vii^e siècle, produire les grands bronzes de l'Ida. Elle joue également un rôle capital dans la naissance du relief orientalisant. Jusqu'au début du ~ vi^e siècle, les ateliers crétois vont orner les armes de motifs élégants, chevaux ailés ou scènes tirées de la mythologie. Leur célébrité en ce domaine est prouvée par les exportations retrouvées à Olympie et à Delphes.

C'est encore en Crète que va naître la statuaire monumentale, dont le développement sera si intense en Grèce au siècle suivant. À Prinias, sur le site de l'antique Rhyzénia, furent recueillis des plaques de frise décorées de cavaliers armés et un linteau de porte sculpté d'un registre d'animaux passants au-dessus duquel siègent face à face deux figures féminines vues de profil. Deux sphinges en ronde bosse couronnaient l'édifice.

Très curieusement, cette île, qui connaît un essor précoce pendant deux siècles, semble ne pouvoir maintenir son rang de centre créateur au ~ vi^e siècle.

En Grèce propre, des centres se constituent. Corinthe marque son originalité par la finesse du modelé de ses productions et influence les ateliers d'Argos et d'Olympie. C'est toutefois Sparte qui apparaît comme la capitale du dédalisme dorien au ~ vii^e siècle. Les ivoires découverts sur le site du temple d'Artémis Orthia composent un ensemble singulier et unique où l'on dénote un processus d'hellénisation progressive des schémas orientaux auxquels est emprunté le répertoire primitif.

L'Attique ne semble pas avoir été influencée par le phénomène dédalique. Sa plastique, comme sa céramique, est plus marquée par une fantaisie inventive que par une conception très ordonnée. Par contre, l'art dédalique est bien représenté dans les îles de la côte micrasiatique, Rhodes et Samos surtout, à partir de ~ 650, par l'influence de la Crète et des Cyclades. À l'ouest, un style dédalique où se mêlent les courants laconien et corinthien est présent à Tarente, et les ateliers de Sicile,[...]