HOHENSTAUFEN ART DES
L'exposition organisée à Stuttgart en 1977 Le Temps des Staufen – histoire, art et culture connut un succès sans précédent. En l'espace de quelques semaines, des milliers de visiteurs défilèrent devant les trésors amoncelés d'une période médiévale qui couvre à peine un siècle et demi : de l'élection royale de Conrad II en 1138 à la décapitation, à Naples, du jeune Conradin en 1268. L'histoire allemande de cette période dynastique est pleine de grandeur, de misères aussi et de querelles, d'importantes mutations enfin qui se manifestent notamment dans le domaine de l'art. Art « staufien » ? Willibald Sauerländer a raison d'insister sur la pluralité des sources : il ne s'agit nullement d'un art dynastique comme l'ont connu l'Égypte, l'Empire romain ou le classicisme français. De puissants « fondateurs » collatéraux tels Henri le Lion, duc de Saxe, ou Hermann, landgrave de Thuringe, contribuèrent autant, sinon plus, à l'activité artistique que la maison impériale. La part des villes, stimulées dans un premier temps par le pouvoir impérial, n'est pas non plus négligeable. Si bien que la notion de Staufische Kunst (art staufien) recouvre un puzzle multicolore, un art qui brille par ses multiples facettes davantage que par des inventions puissantes. Cet art est à l'image du monde chevaleresque d'alors, de ses joyeux tournois. Évidemment, la production artistique de ce siècle de transition se « laïcise » : le passage du roman au gothique se répercutera également sur l'architecture civile, notamment celle des demeures seigneuriales.
Architecture et art monumental
Toutes les disciplines artistiques sont représentées dans le panorama de l'art staufien. Toutefois, l'architecture semble exceller particulièrement. Au temps de Frédéric Barberousse (1152-1190), l'art roman arrive à son épanouissement suprême, au point de verser parfois dans une redondance telle que certains historiens d'art se sont crus autorisés à parler d'un « baroque roman ». Le chevet triconque de la cathédrale de Mayence, terminé en 1239, illustre bien cette évolution. Comme ses cathédrales sœurs de Spire et de Worms, la cathédrale de Mayence avait été rebâtie au xie siècle, après l'incendie de 1009. Vers 1200, elle reçut des voûtes ogivales semblables par leur bombage coupoliforme à celles qui couvrent maintes églises gothiques dans l'ouest de la France. La reprise du chevet triconque du xie siècle, qui marqua la fin de ces embellissements, présente un formidable amoncellement d'arcatures et de niches, richesse égalée par la collégiale contemporaine de Saint-Quirin de Neuss en Basse-Rhénanie. Ici aussi le chevet se présente en triconque, nouveauté monumentale qui semble avoir beaucoup plu à cette époque, en Rhénanie notamment, comme on le verra plus loin. Les cathédrales de Spire et de Mayence terminées, il resta à magnifier celle de Worms. On lui adjoignit, au xiiie siècle, une extraordinaire abside occidentale dont les murs, épais de six mètres, se creusent déjà de belles rosaces gothiques. Devant ce contre-chevet encore entièrement d'inspiration romane, qui continue la tradition des absides occidentées more romano, on est amené à s'interroger sur la position adoptée par les architectes allemands vis-à-vis du gothique. Les historiens d'art des années 1930 (W. Pinder, par exemple) identifient à juste titre l'art staufien à l'architecture romane finissante. Mais, parallèlement à l'architecture des cathédrales du Rhin supérieur, commencent à s'édifier des églises dans l'opus francigenum, le nouveau style gothique. Les moines cisterciens notamment furent les premiers à le véhiculer outre-Rhin, comme le montrent les monastères de Maulbronn et de Bebenhausen, proche de Tübingen, et[...]
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Écrit par
- Carol HEITZ : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers
Classification
Média