STEPPES ART DES
La période classique (VIIIe-IIIe s. av. J.-C.)
Au viiie siècle avant J.-C. se produit un événement de première importance en Europe : les nomades éleveurs scythes, chassés d'Asie centrale, gagnent la Russie méridionale. Ils font éclater la confédération des Cimmériens, porteurs de la culture des tombes à charpentes, se lancent dans des campagnes d'extermination ou de soutien au Caucase, en Ourartou, en Assyrie, en Médie et jusqu'en Égypte. Enfin refoulés, ils s'installent entre le Dniepr et le Don, s'organisent et règnent en maîtres sur la steppe de la mer Noire septentrionale, avant d'être eux-mêmes dominés au iiie siècle avant J.-C. par de nouveaux venus, les Sarmates. On connaît par Hérodote le mode de vie et les croyances de ce peuple.
Au xviiie siècle, les Russes découvrent dans de nombreuses tombes à tumulus ( kourganes) un art métallique d'une étonnante richesse et dont les motifs animaliers sont traités en une stylisation vigoureuse qui contraste avec la monumentalité des œuvres connues jusqu'alors. Poignards, carquois, fourreaux, plaques d'ornements révèlent un assemblage de motifs zoomorphes qui va des scènes de combats aux sujets isolés, de la composition la plus surprenante au traitement le plus simple. Enroulement, enchevêtrement, inversion, torsion, autant de formules qui mettent en valeur le mouvement de la bête, sa vitesse et sa puissance. L'accent placé sur les articulations souligne l'aspect fonctionnel des différents éléments du corps. La technique, loin des courbes arrondies que la céramique rend familières, évoque la taille du bois et ses champs à joints vifs. Style et technique rapprochent davantage cet art de celui des forestiers du Nord que de celui des potiers du Sud. Et pourtant les éléments propres à la Grèce et à l'Asie Mineure y sont nombreux. Tout se passe comme si des artisans du Sud avaient mis au service d'un goût nouveau leur talent d'orfèvres, en y mêlant des sujets de leur répertoire particulier.
Les études chronologiques des années 1960 ont dégagé quatre phases principales. D'abord celle du viie siècle avec le kourgane de Žabotine, dont l'inventaire aux motifs de chevaux, moutons et autres animaux domestiques porte encore la marque de la monumentalité des œuvres d'Asie Mineure. Puis vient le vie siècle avec les sites de Kelermès et Kostromskaja, où l'influence méridionale s'accroît dans un répertoire qui s'augmente, entre autres, de bouquetins et de griffons et de la technique d'incrustation de pierres variées. C'est ensuite l'âge d'or du ve siècle, où l'influence gréco-ionienne se fait jour, avec une complexité plus grande des sujets et l'apparition de scènes de combat, telles les pièces de Žouravka et d'Oul. Enfin au ive siècle apparaît une dernière phase encore plus hellénisée, avec une prédilection pour l'ajout d'un décor floral classique, comme à Čertomlyk, Solokha ou Kul oba.
Sources de l'art scythe
Les trouvailles des kourganes illustrent tant l'art des artisans grecs ou ioniens que celui des Scythes. Si les grands vases et la grande orfèvrerie peuvent revenir aux premiers, on peut attribuer aux seconds les ornements de harnais, les sommets de hampes, les décors de chars et les pendeloques vestimentaires. Les motifs les plus fréquents sont le cerf, la panthère, l'élan et le bouquetin ; plus rares sont les sangliers, les moutons, les chevaux et les poissons. Tous ces animaux étaient autant de symboles magiques dont la répétition pouvait entraîner la bonne fortune. Dans certains cas, d'autres animaux, traités en motif secondaire, venaient amplifier la valeur bénéfique de l'objet.
À ne regarder que l'art scythe, tout semble faire croire qu'à l'influence des Chinois, instigateurs de l'art animalier du bassin de Minusinsk,[...]
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Écrit par
- Vadime ELISSEEFF : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
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Médias
Autres références
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ALTAÏ TOMBES DE L'
- Écrit par Vadime ELISSEEFF
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