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ART ET CULTURE, Clement Greenberg

De Paris à New York

La conception moderniste, souvent perçue comme dogmatique, s'appuie pourtant sur une activité qui se veut essentiellement empirique. Le critique veut s'en remettre à ce que lui indique son œil, à une observation pragmatique, à son intuition, hors de tout jugement théorique et de tout sentimentalisme biographique : « L'art est exclusivement une question d'expérience et non de principes ». C'est ce qui fait la force singulière, toujours vivace, des textes du Greenberg critique plutôt que théoricien. Ses engouements et ses rejets apparaîtraient péremptoires si le lecteur ne pressentait qu'ils sont l'effet d'un lien fort et respectueux à l'œuvre étudiée. Les jugements peuvent être vifs (Rouault, « petit virtuose étriqué »), mais ils s'ordonnent sur l'exigence éthique de l'avant-garde qui se doit de résister à la répétition, à la décoration, à la vulgarité kitsch de la joliesse frelatée. Cette position critique assumée pleinement le conduit au début des années 1950 à manifester son opposition au charme des tableaux de l'École de Paris dont la « vision est domestiquée » pour leur préférer ceux des jeunes artistes américains – Jackson Pollock, Franz Kline, Barnett Newman, Mark Rothko... Le critique, qui est l'un des premiers à les défendre, voit dans les caractéristiques formelles de leurs tableaux une sorte de confirmation de la validité de sa théorie du modernisme. Voilà donc pour Greenberg New York devenue la nouvelle capitale de l'art, appréciation qui suscita de vives discussions.

Mais le succès même des thèses de Greenberg (qui apparaîtront – peut-être injustement – normatives et prescriptives), conjugué au rejet par l'auteur, quitte à passer pour arrogant, de mouvements importants apparus au seuil des années 1960 (pop art, art minimal, happening, art conceptuel...) engendreront diverses ripostes provenant d'horizons critiques variés : Harold Rosenberg, Léo Steinberg, Yve-Alain Bois, Rosalind Krauss, T. J. Clark... Jusqu'aux années 1990 toute approche critique ne pouvait échapper à l'obligation de prendre position face au « modernisme greenbergien ». La lecture « entre les lignes » conduite par Thierry de Duve souligne, sans complaisance ni polémique, la richesse encore productive des textes du critique.

— Patrick de HAAS

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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