Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ART & SCIENCES

Les hautes technologies de la science et la reconnaissance du patrimoine

Les méthodes scientifiques d'examen et d'analyse des œuvres d'art, d'archéologie et d'ethnologie ont joué un rôle décisif dans la découverte des œuvres du passé et dans la création de la notion de patrimoine. Les laboratoires des musées sont créés au début du xxe siècle pour mieux explorer les œuvres patrimoniales dans leur réalité physique et technique et pour définir de manière mieux adaptée les traitements de sauvegarde à leur appliquer. Les technologies de pointe sont sollicitées pour ces études qui combinent les sciences exactes et les sciences humaines. Le patrimoine acquiert alors une dimension économique, morale et juridique. Sa protection est assurée grâce à des lois nationales et internationales, et le recours à la science est nécessaire à l'identification des œuvres, à leur authentification, à l'évaluation de leur état de conservation, à leur intégration dans les projets culturels. La science est, de son côté, curieuse d'aborder avec le patrimoine la notion de temps réel et celle de création ou d'innovation.

À l'exception du musée de Berlin, qui se dote d'un laboratoire dès 1888 pour désaliniser les briques venues des palais mésopotamiens de Suse, dans les autres musées d'Europe les laboratoires sont créés avec l'installation d'une source de rayons X destinés à explorer les œuvres en profondeur. On citera les musées de Francfort et de Weimar autour de 1914, le musée de Vienne et le British Museum en 1916, la Pinakothek de Munich en 1924. Aux États-Unis, la radiographie apparaît en 1925 au Fogg Art Museum de Harvard, puis en 1928 au Musée des beaux-arts de Boston.

En France, après un déménagement forcé dû aux menaces de la Seconde Guerre mondiale, le laboratoire du Louvre se développe sous l'autorité de Magdeleine Hours, qui bénéficiait du soutien d'André Malraux. Cette institution est devenue le Laboratoire de recherche des musées de France, installé en 1995 dans de nouveaux locaux le long de l'aile de Flore du palais du Louvre. Les œuvres des collections publiques y sont examinées, analysées et parfois datées grâce à des équipements très sophistiqués. Pour leurs examens, les spécialistes utilisent des films sensibles aux parties invisibles du spectre comprenant les rayons X, les ultraviolets, les infrarouges, les rayons gamma.

Les analyses des œuvres d'art sont possibles depuis les années 1960 grâce aux développements considérables de la physique et de la chimie. Le microscope électronique à balayage permet des grossissements jusqu'à trois cent mille fois. La sonde électronique couplée à cet appareil renseigne sur la composition élémentaire des matériaux constitutifs des œuvres, qui émettent, en réponse au bombardement d'électrons, des rayons X détectés et interprétés sous forme de spectres typiques des éléments chimiques rencontrés. La fluorescence X est une autre méthode d'analyse, qualitative et quantitative, de la matière bombardée aux rayons X : en réponse, celle-ci émet à son tour des rayons X caractéristiques de sa composition élémentaire. La spectrométrie d'émission ultraviolette visible est employée pour l'étude des métaux mis en solution. La diffraction X identifie la structure cristalline des minéraux et des métaux. La spectrométrie infrarouge détecte les molécules du composé chimique par les bandes d'absorption. La chromatographie en phase gazeuse identifie les matières organiques, comme les liants, les vernis et certaines colles.

L'appareil le plus spectaculaire du Laboratoire est A.G.L.A.E. (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire). Long de 36 mètres, cet accélérateur de faisceaux d'ions est adapté à plusieurs types d'analyse des minéraux, dont la méthode P.I.X.E. (Particle[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur général du patrimoine, directeur de la rénovation du musée de l'Homme

Classification

Médias

Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

Michel-Eugène Chevreul

Louis Daguerre - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Louis Daguerre

Étienne-Jules Marey - crédits : AKG-images

Étienne-Jules Marey

Autres références

  • LES ORIGINES DU MONDE. L'INVENTION DE LA NATURE AU XIXe siècle

    • Écrit par
    • 1 147 mots
    • 1 média

    Le titre de cette très intelligente exposition, organisée conjointement par le musée d’Orsay de Paris (19 mai-18 juillet 2021) et le musée des Beaux-Arts de Montréal avec le partenariat du Museum national d’histoire naturelle, met en exergue deux des questions qui sont au cœur de la création artistique...

  • AGLAE (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire)

    • Écrit par
    • 328 mots

    A.G.L.A.E. (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire), accélérateur électrostatique tandem de 2 millions de volts construit par National Electrostatics Corporation (États-Unis), a été installé en décembre 1987 au Laboratoire de recherche des Musées de France. L'accélération de certaines particules...

  • BAUDELAIRE CHARLES (1821-1867)

    • Écrit par
    • 6 903 mots
    • 2 médias
    Il repousse tout d'abord la volonté d'unir l'art et la science. Dans la Préface des Poèmes antiques, en 1852, Leconte de Lisle avait proclamé que « l'art et la science, longtemps séparés par suite des efforts divergents de l'intelligence, doivent tendre à s'unir étroitement, si ce n'est...
  • BAXANDALL MICHAEL (1933-2008)

    • Écrit par
    • 1 041 mots

    Né en 1933 à Cardiff (Royaume-Uni), Michael Baxandall a conduit une carrière de chercheur et d'enseignant en histoire de l'art dans le Royaume-Uni (il fut professeur « d'histoire de la tradition classique » à l'Institut Warburg et Courtauld, à Londres, et à l'université d'Oxford), puis aux États-Unis...

  • CHANGEUX JEAN-PIERRE (1936- )

    • Écrit par
    • 1 144 mots

    Jean-Pierre Changeux, né le 6 avril 1936 à Domont (Val-d'Oise) est en 1955 élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm en biologie. Major de l'agrégation des sciences naturelles en 1958, il débutera sa carrière scientifique en décrivant de nouveaux copépodes parasites au laboratoire Arago de...

  • Afficher les 13 références