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ART & THÉOLOGIE

L'élément religieux, c'est un fait notoire, a presque toujours tenu lieu d'élément matriciel ou originaire dans le développement des activités artistiques les plus diverses. Mais, à supposer acquise cette hypothèse, on n'a encore rien dit sur les rapports dialectiques qui peuvent s'établir entre un art et une théologie – ce savoir humain traitant des choses divines, et souvent considéré par le croyant comme l'« impression » directe de la science, parfaite, unique, que Dieu posséderait de tout ce qu'il est et de tout ce qu'il crée (saint Thomas d'Aquin, au début de la Somme théologique, parlait ainsi explicitement de la théologie comme d'une impressio divinae scientiae).

Le problème, on s'en doutera, est d'une très grande complexité, tant historique que théorique. On pourrait croire, en lisant par exemple tel traité de scolastique sur le statut de l'art humain, que toute œuvre, à condition d'être belle, participerait de la Beauté considérée comme qualité transcendantale et ainsi travaillerait à « exprimer » le divin, tout simplement. Et telle serait la teneur « théologique » de toute création artistique... Mais la lecture de bien d'autres traités religieux – dans la même sphère culturelle – nous conduirait sur des voies absolument opposées, celles par exemple d'une exécration de toute beauté d'artefact ou d'une disqualification princeps de l'art comme activité engageant la matière.

Il ne saurait donc s'agir d'engager la question des rapports « définitifs » entre l'art et le divin, mais plutôt de s'interroger sur les répons subtils qui ont pu associer, dans l'histoire – nous l'évoquerons ici dans le cas du christianisme –, un ensemble de discours avec un ensemble de pratiques et d'objets. La question ne se simplifie pas pour autant, dans la mesure où de tels rapports se développent le plus souvent dans l'élément de l'hésitation, de l'équivocité, voire de l'impensé.

Position du problème

La position iconographique traditionnelle voit dans la théologie un corpus de doctrines abstraites « illustrées » et « traduites » par les artistes en tableaux, en sculptures, en poèmes ou en polyphonies ; c'est souvent simplifier beaucoup la réalité : d'abord parce que la traduction s'avère constituer, en la matière, un modèle sémiotique impertinent ; ensuite parce que « la » théologie est bien loin de constituer un corpus stable de doctrines. Vouée par définition à un impossible – un au-delà, un indicible, un inimaginable –, la théologie se donne moins comme l'énoncé de doctrines faisant loi que comme une série d'énonciations perpétuellement inquiètes, impliquant l'ombre autant que la lumière, les zones d'incertitudes et d'inarticulation autant que de certitudes et d'axiomatisations. L'existence même et la permanence de ce qu'on nomme les théologies négatives suffiraient à nous montrer combien les « zones d'ombre » ne cessent d'affluer, de tourbillonner et de travailler dans le discours religieux. L'art, souvent, s'engouffre dans de telles zones.

Qu'est-ce à dire ? Que les artistes n'ont jamais cessé, face aux injonctions, aux défis ou aux équivoques théologiques, d'inventer ce qu'on nomme en musique des contre-sujets : injonctions répondant aux injonctions, défis aux défis, équivoques aux équivoques. Un mouvement proche, si l'on veut, du mallarméen « pli selon pli ». Tentons de préciser, même sommairement, le spectre de ces contre-sujets.

La vocation la plus obvie de l'art réalisé dans le champ religieux, ce serait bien sûr la « défense et illustration » du dogme, quelque chose comme une agréable pédagogie des difficiles vérités de la [...]

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Catherine de Sienne - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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