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GOTHIQUE ART

L'art maniériste : 1230/1240-1350

Cette période de l'art gothique apparaît aujourd'hui comme l'une des plus importantes. Elle est le lieu de nombreuses interrogations pour l'historien de l'art, qui en mesure depuis peu la signification et la portée. Elle commence par ce qu'il faut bien appeler une révolution stylistique. De nouvelles formes vont aussitôt s'imposer à l'Europe entière, faisant disparaître à tout jamais les derniers centres de résistance à l'esthétique gothique. Pour la première fois, mais non la dernière, Paris devient la référence. La ville retient les plus grands artistes de l'époque, attire les regards de ceux qui ne peuvent s'y rendre ou y rester. Ce triomphe gothique, dans sa nuance parisienne, éclate dans une Europe arrivée au sommet de son expansion : riche, peuplée, ouverte, sûre d'elle-même, une Europe qui a trouvé son rythme et son équilibre. Mais, dès la fin du xiiie siècle, l'Europe a changé. Une série de crises la secoue : crises économiques qui se succèdent, crises politiques qui traversent nombre de pays à la recherche de leur identité ; crise religieuse qui aboutira au Grand Schisme, crise d'autorité du pouvoir civil face au pouvoir religieux. Bientôt des famines puis la Peste noire, à partir de 1347, feront disparaître près d'un tiers de la population de l'Europe occidentale.

En même temps, les rapports entre les artistes et les commanditaires sont marqués par un changement radical. Jusqu'à cette époque, la commande relevait du monde religieux. Dorénavant, l'intervention laïque devient prépondérante. Cette modification des commandes ne pouvait rester sans influence sur le style. L'adéquation entre la nouvelle classe de commanditaires et le style rayonnant rend compte du succès de celui-ci. L'individu – qu'il soit pape, monarque ou grand seigneur – y épuise sa soif de pouvoir. L'activité artistique rejoint, comme si souvent, la politique ; elle en devient une des composantes.

Paris et la révolution stylistique

L'activité des chantiers parisiens au cours des années 1230-1240 avait attiré de nombreux artistes, d'horizons différents, de formation diverse. Cette rencontre a provoqué une remise en cause assez brutale du style alors accepté : en architecture, la formule définie par le Maître de Chartres ; en sculpture, l'accord entretenu avec l'architecture ; dans le domaine du vitrail, le règne de la verrière entièrement colorée ; pour les objets d'art, l'hégémonie du style 1200. De nouveaux rapports sont alors définis entre le matériau et le style : chacune des différentes techniques évolue désormais selon son propre rythme.

Le bouleversement le plus marquant touche l'architecture. Il s'établit suivant deux axes complémentaires à l'intérieur de l'édifice : l'affirmation définitive de la travée comme cellule, le rôle de la lumière ; à l'extérieur, la conception du monument est renouvelée. Le pilier fasciculé succédant au support chartrain enserre la travée depuis la base jusqu'aux retombées des voûtes. Le triforium est éclairé : la paroi de verre est repoussée à l'aplomb extérieur du mur afin d'établir au-devant un passage qui ménage des effets subtils de lumière. Les vides l'emportent définitivement sur les pleins, réduisant ainsi l'architecture à un jeu de quilles reliées par des éléments transversaux. À l'intérieur se développe la cloison de verre, qui joue le rôle d'un tissu conjonctif. La personnalité de l'architecte se définit désormais par le graphisme des supports, des arcades, des baies, de la modénature. La réduction du mur, l'intrusion de la lumière créent une nouvelle conception spatiale, en même temps que les effets de clair-obscur répondent à une sensibilité toute picturale.[...]

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Voûte sur croisée d'ogives - crédits : Encyclopædia Universalis France

Voûte sur croisée d'ogives

Basilique de Saint-Denis, déambulatoire - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Basilique de Saint-Denis, déambulatoire

Basilique de Saint-Denis - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

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