ART KANAK
La présence des ancêtres
Flèches faîtières, sagaies, chambranles, haches ostensoirs, masques et bambous gravés sont autant de témoins d’une société codifiée.
Les gestes coutumiers régissent les relations sociales kanak. La « coutume », ce rituel de salutation, engageant un échange de paroles et d’objets de peu de valeur (souvent un billet enroulé dans un morceau d’étoffe), s’applique chaque fois qu’un nouvel arrivant se présente en un lieu. Lors des grandes cérémonies coutumières (fêtes, mariages, deuils…), les dons et contre-dons engagent des valeurs beaucoup plus importantes, comme les monnaies traditionnelles qui évoquent les figures claniques ancestrales.
Dans la culture kanak, la case traditionnelle, de forme circulaire, est édifiée autour d’un poteau central et surmontée d’une flèche faîtière. Cette sculpture de faîtage représente le torse et le visage stylisés du chef. L’enfilement des conques marines qui la surmonte renvoie à la conque d’appel, symbole du rassemblement, et évoque aussi la position médiatrice du « grand aîné » entre terre et ciel et entre terre et mer. De grandes appliques sculptées et fixées de chaque côté de la porte d’entrée de la case cérémonielle accueillent le visiteur, le mettant sous la protection de ses figures ancestrales. Précédant l’entrée, des sculptures à planter anthropomorphes bordant une allée centrale accompagnaient les cérémonies.
Les grands masques des Kanak, faits d’une figure de bois surmontée d’un impressionnant dôme de cheveux humains et d’un manteau de plumes, représentaient l’esprit du chef défunt revenu, le temps d’un rituel, du pays sous-marin des morts.
L’étude attentive du patrimoine kanak accumulé dans les musées durant les xixe et xxe siècles met en lumière les transformations culturelles. En deux siècles de contact, la société kanak s’est transformée, et ses productions en marquent les différents temps. Comme l’évolution des monnaies traditionnelles en coquillage perdant au xixe siècle leur fonction économique à la suite de l’introduction des monnaies européennes, au profit d’une fonction symbolique de garant des paroles échangées lors des coutumes, d'autres séries d’objets illustrent ces changements et adaptations. Ainsi les bambous gravés illustrent la perception kanak des nouveaux arrivants européens et « parlent » d’un temps où les rapports n’étaient sans doute pas encore ressentis par les Kanak comme dominants.
La société kanak a su se transformer tout en tentant de rester fidèle aux idéaux de ses « vieux » et de leur « parole ».
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Emmanuel KASARHÉROU : conservateur en chef du Patrimoine, adjoint au directeur du Patrimoine et des collections, musée du quai Branly
Classification