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KHMER ART

Le pillage du patrimoine

Aujourd'hui, le trafic des œuvres d'art s'étend au monde entier et il atteint un chiffre d'affaires énorme, proche de celui de la drogue, à laquelle il semble d'ailleurs souvent mêlé. La « mondialisation » de ce trafic, dont les origines sont très lointaines, est un phénomène récent. La forte intensification du trafic de l'art khmer a donc suivi une tendance générale et n'est en rien une exception. Elle constitue pourtant un cas particulier remarquable en ce qu'il est souvent précédé au Cambodge d'un vandalisme aveugle engendrant un grave appauvrissement du patrimoine culturel. Ce trafic, très rémunérateur pour les pillards et les receleurs, paraît d'autant plus condamnable qu'il se nourrit des œuvres d'art d'un pays qui demeure, après les terribles épreuves qu'il a subies, particulièrement pauvre et fragile, et encore en partie désorganisé.

Les vandalismes et pillages anciens

Les iconoclastes

Les premières destructions subies par les monuments khmers ne datent certes pas d'aujourd'hui. Les plus anciennes connues, systématiques, ont eu lieu dans la seconde moitié du xiiie siècle, sous le règne de Jayavarman VIII ; ce roi, qui a succédé d'une manière que l'on peut croire violente à deux rois qui avaient amené au Cambodge un bouddhisme « officiel », le grand Jayavarman VII, fondateur notamment d'Angkor Thom et du Bayon à la fin du xiie siècle, et Indravarman II, son successeur, a fait méthodiquement détruire à Angkor toutes les effigies du Bouddha. C'est peu de dire qu'il s'est agi d'une opération de grande envergure : les murailles qui entourent les villes de Ta Prohm, de Preah Khan et de Banteay Kdei et qui, mises bout à bout, s'étendent sur plus de 8 kilomètres, étaient surmontées de crêtes creusées de niches abritant une figure du Bouddha ; pour ne s'en tenir qu'à ces crêtes de mur, mesurant chacune à la base 40 centimètres, on voit qu'elles portaient environ 40 000 images du Bouddha, dont il ne reste à peu près aucune ! Il faut ajouter à ce nombre approximatif toutes les effigies du Bouddha présentes sur les frontons ou les linteaux des sanctuaires – parfois curieusement transformées en linga, le symbole du dieu Çiva – et surtout toutes les statues en ronde bosse, à l'exception de celles qui ont été sauvées par des fidèles, qui les avaient enterrées. Cette iconoclastie avait des causes politico-religieuses et ne répondait pas à des visées commerciales ; elle ne s'est d'ailleurs pas étendue à tous les monuments de l'empire : les statues du Bouddha sont toujours présentes dans les temples de la Thaïlande actuelle ou de Banteay Chmar au Cambodge, par exemple.

La recherche des dépôts de fondation

Plus tard, sans doute à partir du xive siècle, certains villageois khmers, misérables, se sont mis à la recherche des dépôts de fondation dans les temples hindous ou bouddhistes (du Grand Véhicule) désormais abandonnés ; il n'est d'ailleurs pas impossible que ces destructions aient été d'abord une réponse à la destruction des images du Bouddha. Le rituel hindou (ou bouddhiste dans le Grand Véhicule) imposait en effet qu'à certains points du temple, en particulier sous le piédestal de la divinité, fût placé un dépôt « précieux », dit de fondation, consistant généralement en une mince feuille d'or de quelques grammes et en plusieurs pierres semi-précieuses. Les efforts des villageois pour s'emparer de ce dépôt ont toujours été sans commune mesure avec sa valeur réelle : pour déplacer les piédestaux énormes, pesant parfois plus de 1 tonne, ils ont dû les briser, après avoir renversé sans ménagement leurs statues : c'est pour cette raison que pratiquement toutes les statues khmères ont été trouvées gisant en morceaux. Ce vandalisme, qui tirait sa source de la pauvreté[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des universités (Paris-III), ancien membre de l'École française d'Extrême-Orient
  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)

Classification

Médias

Tête du Buddha, art Khmer, époque préangkorienne - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Tête du Buddha, art Khmer, époque préangkorienne

Sites khmers - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sites khmers

Devi (la Déesse) coiffée de la jata - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Devi (la Déesse) coiffée de la jata

Autres références

  • ANGKOR

    • Écrit par , et
    • 4 571 mots
    • 12 médias
    Les monuments khmers qui ont subsisté, parce qu'ils furent construits en matériaux durables, sont des sanctuaires. Entre 900 et 1220 furent édifiés à Angkor des temples çivaïtes (les temples-montagnes, qui abritent le lịnga-palladium du royaume), des sanctuaires vichnouites (dont le...
  • ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires

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    • 5 médias
    ...Certes, son unité et sa prospérité se forgent : ses monuments le montrent. À partir des modèles gupta – déjà en grande partie assimilés par le Fou Nan –,  il se dégage un style remarquable qui devient l'art khmer, qui ne saurait plus être confondu avec les prototypes indiens non plus qu'avec les autres...
  • BODHISATTVA AVALOKITEŚVARA, art kmer (Thaïlande)

    • Écrit par
    • 170 mots

    Ayant renoncé à acquérir le statut de Buddha pour mieux conduire les êtres au salut, Avalokiteśvara est l'intercesseur par excellence dans le bouddhisme du Grand Véhicule (Mahāyāna), dont la diffusion à travers toute l'Asie a été accompagnée de celle de son image. Ici, utilisant les qualités plastiques...

  • CHAMPA ou CAMPĀ

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    ...architectural et la sculpture (on le trouve sur les dragons de Thâp-mâm, images dynamiques et cocasses, témoignant d'influences sino-vietnamiennes). Un apport khmer est décelable, d'abord sous forme d'influence assimilée (superstructures « en obus » de Hung-thanh, rappelant celles d'Angkor Vat), puis, pendant...
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