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ART (L'art et son objet) L'anonymat dans l'art

<it>Nature morte à l'échiquier</it>, L. Baugin - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Nature morte à l'échiquier, L. Baugin

Un grand nombre d'œuvres d'art comportent une indication plus ou moins développée, explicite et visible qui permet d'en identifier l'auteur. Cette indication peut prendre la forme d'une signature, d'un monogramme, d'une inscription, parfois d'un cachet, d'une estampille, d'un poinçon ou d'une marque, plus exceptionnellement d'un signe conventionnel ou symbolique. En l'absence de toute indication de cette nature l'œuvre d'art devrait être, au sens strict du terme, considérée comme anonyme.

Dürer, «Jean dévorant le Livre de Vie», planche de l'<it>Apocalypse</it> - crédits : AKG-images

Dürer, «Jean dévorant le Livre de Vie», planche de l'Apocalypse

<it>Diane de Poitiers en Diane chasseresse</it>, anonyme - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Diane de Poitiers en Diane chasseresse, anonyme

La recherche de l'identification

Les historiens d'art ne peuvent évidemment se résigner à cet état de fait. Face au problème de l'œuvre d'art, signée ou non, leur démarche est triple.

Toute indication fournie par l'œuvre elle-même doit être critiquée car elle peut avoir été ajoutée à l'œuvre (signature apocryphe) ou être, comme l'œuvre elle-même, le résultat d'une falsification. L'indication apocryphe peut avoir un but frauduleux (monogramme de Dürer ajouté sur de nombreux dessins du xvie siècle) ou consigner de bonne foi une tradition exacte ou légendaire (inscription Giacomo da Siena, gravée au xixe siècle sur la Vierge de Jacopo della Quercia conservée aujourd'hui au musée de la cathédrale de Ferrare).

Les sources écrites anciennes (contrats, inventaires, descriptions, biographies) permettent de restituer de façon certaine à un artiste une œuvre qui ne porte aucune indication. Le seul problème est alors de suivre l'histoire de l'œuvre à travers le temps et l'espace afin d'avoir la certitude que l'œuvre parvenue jusqu'à nous est bien celle que mentionnent les sources et non pas une réplique ancienne (cas très fréquent), une restitution, voire une copie à l'identique (comme pour les statues de plein air plusieurs fois « renouvelées »).

L'analyse stylistique permet de procéder à des attributions et d'enrichir le catalogue d'un artiste par des œuvres tenues jusque-là pour anonymes ; ces attributions sont évidemment sujettes à révision lorsque des découvertes d'œuvres nouvelles ou de documents inédits permettent de mieux cerner la personnalité d'un artiste.

Cathédrale, Modène, Italie - crédits : De Agostini/ Getty Images

Cathédrale, Modène, Italie

Mais si les historiens d'art s'efforcent d'arracher le maximum d'œuvres à leur anonymat, il est plus rare qu'ils s'interrogent sur les raisons mêmes de cet anonymat. Contrairement à une opinion très répandue, il ne convient pas d'opposer sur ce point aux artistes du Moyen Âge, modestes et anonymes, œuvrant pour la seule gloire de Dieu, ceux de la Renaissance et des Temps modernes, conscients de leur rôle éminent. Les signatures d'artistes sont, en effet, relativement nombreuses au Moyen Âge et, notamment dans la sculpture, elles prennent la forme d'inscriptions bien visibles et parfois dithyrambiques (inscriptions en l'honneur de Wiligelmo à la cathédrale de Modène). Le fait pour un artiste de ne pas signer son œuvre peut d'ailleurs être le signe de sa notoriété : puisque chacun connaît le nom de l'auteur, il est inutile que celui-ci soit explicitement indiqué sur l'œuvre elle-même.

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Écrit par

  • : conservateur général chargé du département des Sculptures, musée du Louvre

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Médias

<it>Nature morte à l'échiquier</it>, L. Baugin - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Nature morte à l'échiquier, L. Baugin

Dürer, «Jean dévorant le Livre de Vie», planche de l'<it>Apocalypse</it> - crédits : AKG-images

Dürer, «Jean dévorant le Livre de Vie», planche de l'Apocalypse

<it>Diane de Poitiers en Diane chasseresse</it>, anonyme - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Diane de Poitiers en Diane chasseresse, anonyme

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