ART (L'art et son objet) La reproduction en art
Tributaire de l'évolution des techniques et des mentalités, la notion de « reproduction », en art, implique une ressemblance entre deux objets, mais elle ne requiert pas leur similitude. Il existe en effet plusieurs sortes de reproductions. Les copies et les répliques de peintures ou les moulages de sculptures diffèrent peu de leurs modèles, tandis que les gravures ou les photographies ne peuvent pas être confondues avec l'artefact qu'elles reproduisent. En outre, la valeur accordée à l'œuvre « originale » n'a pas toujours été jugée supérieure a priori. Seule une conception de la création accordant une extrême importance au rôle de l'artiste privilégie des réalisations qui portent son empreinte. Ce trait spécifie, dans le domaine juridique, l'« originalité » de l'œuvre – une originalité qui s'attache aux formes, à l'exclusion des idées. Pour la culture occidentale moderne, la promotion de la figure de l'auteur demeure le cadre fondamental au sein duquel s'inscrit le statut accordé aux divers types de reproductions. Ailleurs ou en d'autres temps, l'opposition entre original et reproduction se dilue au point qu'elle n'a souvent pas la moindre pertinence.
Répliques et copies
Le vocabulaire spécialisé entérine une différence entre les « répliques » d'une œuvre, élaborées par l'artiste ou sous sa direction, et les « copies » exécutées par des mains mercenaires. Jusqu'à une période récente, la copie d'après les maîtres joua un rôle de premier plan dans l'enseignement artistique. Cette pratique permettait aux étudiants d'acquérir une solide technique et d'affiner leur goût.
Les répliques ou les copies répondaient aussi à une sollicitation sociale. Autrefois, il n'était pas rare que des artistes dupliquent leurs œuvres, avec ou sans variantes, quand le succès obtenu auprès des amateurs stimulait la demande. Les copies destinées à être présentées en lieu et place d'un original prestigieux, mais inaccessible, existaient déjà dans l'Empire romain. Cet usage fut institutionnalisé à l'époque de Louis XIV par Colbert, qui imposa aux pensionnaires de l'Académie de France à Rome l'obligation de copier des chefs-d'œuvre antiques ou modernes. Au xixe siècle, des copies réalisées en Italie furent envoyées dans les musées français de province. Certaines y sont encore exposées. Aujourd'hui, des copistes sont toujours actifs au Louvre, où ils doivent reproduire les œuvres à un format différent de l'original. Cette disposition répond à la nécessité d'éviter que des travaux de bonne qualité puissent, au fil du temps, passer pour des originaux : autour de la copie à l'identique rôde toujours la hantise du faux, difficile à débusquer quand il est ancien.
Divers musées de copies ont vu le jour. Inauguré à Paris en 1873, le musée des Copies eut une existence éphémère, mais le Musée national des monuments français, ouvert sous ce nom en 1882, au palais du Trocadéro, connut un réel succès. Héritier du musée de l'Art monumental créé sous la Révolution, il était riche d'environ six mille moulages de sculptures, de copies de peintures murales et de maquettes d'architecture. Ici, l'intérêt documentaire reléguait au second plan le plaisir esthétique. Il en va sans doute autrement dans la grotte de Lascaux II, ouverte en 1985 : les millions de visiteurs qui l'ont déjà visitée savent que l'original, fermé au public, leur est inaccessible.
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Écrit par
- Denys RIOUT : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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