ART (L'art et son objet) La signature des œuvres d'art
Avec le titre et la dédicace, la signature est l'un des « textes » fondamentaux qui encadrent l'œuvre et la présentent au spectateur. Elle ancre l'objet dans l'histoire individuelle aussi bien que collective et, par conséquent, elle est un repère non arbitraire pour la fondation du jugement esthétique. Cependant, la signature occupe une situation singulière, d'une part parce qu'elle apparaît à un moment précis de l'histoire de la création, d'autre part parce qu'au fil du temps sa signification et sa fonction ont évolué. Enfin, il est à noter qu'elle possède un caractère graphique et graphologique qui la rattache à l'histoire des objets de la vision.
L'individualisation de l'œuvre
La signature apparaît lorsque l'histoire sociale et idéologique, favorisant l'épanouissement singulier de la personne et sa haute valorisation, permet à l'artiste de produire des objets individualisés, susceptibles de circuler et de valoir comme des marchandises. Par sa présence, elle ouvre le champ de la reconstitution biographique et plastique du peintre ou du sculpteur. Date et signature s'associent pour confirmer de plus en plus qu'une œuvre est une suite progressive de recherches corporelles et intellectuelles dont l'unité est scellée par la mort. Elles attestent l'histoire de la facture, disons même de la « fabrique » au sens où l'entend Francis Ponge (cf. La Fabrique du pré et sa signature). À l'inverse du titre qui, dans la plupart des cas, reste à l'extérieur de l'espace pictural, la signature, par sa présence et son traitement graphique, soulève le problème des rapports qu'entretiennent l'image, l'écriture et le corps de l'artiste, le problème des lieux imaginaires et réels de son identité.
Tout d'abord, la signature renvoie à l'œuvre comme son origine. Elle est le signifiant de la cause. Cette fonction énonciative est renforcée par des phrases du type fecit hoc. Avant la Renaissance, de telles inscriptions ont pour but de faire connaître, telle une enseigne, l'activité collective d'ateliers régionaux. Le nom d'un maître ici ou là est un indice de fierté artisanale jointe à certains privilèges sociaux. On ne peut en suivre le cours chronologique ni, par elle, reconstituer l'œuvre en entier. À partir du xve siècle, l'usage de la signature (phrase, emblème, monogramme, etc.) se généralise. Les tableaux, fabriqués hors commande, sont achetés par une classe riche qui pratique la sélection, qui stimule la concurrence, en un mot, qui ouvre un marché. La personnalité de l'artiste, son mystérieux génie, sa virtuosité inimitable fascinent par leur exceptionnelle singularité. La signature devient le sceau du maître, signe d'authenticité, critère de son prix ; elle dit l'origine absolue de l'œuvre.
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Écrit par
- Marie-José MONDZAIN-BAUDINET : attachée de recherche au C.N.R.S.
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