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ART (L'art et son objet) Le faux en art

La prolifération des faux

Objets d'art, sculpture et archéologie

L'élargissement du goût pour des objets de plus en plus nombreux et variés est favorisé, au xixe siècle, par le déclin des préjugés classiques : les époques oubliées sont progressivement réhabilitées par les courants révolutionnaires de la peinture et par les découvertes archéologiques. Cette extension croissante de l'amateurisme a pour conséquence un véritable foisonnement de falsifications. Chaque découverte, chaque mode nouvelle a pour corollaire une vague de faux. L'engouement pour le Moyen Âge fait naître un nombre considérable de faux ivoires, principalement gothiques, de meubles entièrement faux ou trafiqués, à quoi excellent, comme à la fabrication des meubles de style Renaissance, les remarquables ébénistes de la seconde moitié du siècle, période où l'ouverture des musées d'art décoratif fournit des modèles aux artisans. Les primitifs, ou « fonds d'or », font l'objet de nombreuses contrefaçons. Les pastiches de Cranach l'Ancien faits à l'époque romantique par l'Allemand Rohrich (1782-1834) sont très marqués par l'esprit de leur temps. Les faux du peintre italien Icilio Federico Joni, restaurateur de tableaux, sont plus habiles ; cet artiste a laissé des mémoires et imagina d'imiter les panneaux de reliure des registres d'impôt (Bicherna et Gabella) de la ville de Sienne. Sur l'un de ces panneaux (inédit), entré au musée du Louvre avec la donation Walter Gay, il reproduisit la fresque de Simone Martini représentant Guidoriccio da Fogliano au palais public de Sienne.

L'intérêt qui se manifesta dans les musées, à la suite des mouvements nazaréen et préraphaélite, pour les tableaux de la première Renaissance en provoqua la contrefaçon, principalement celle des portraits ; ces faux sont en général assez grossiers. Néanmoins, jusqu'à ces dernières années, on admira à la National Gallery de Washington une Madone de l'humilité, attribuée par Berenson à Masaccio, et qui aurait été fabriquée sur un panneau ancien par un trio de restaurateurs autrichiens.

La sculpture antique avait été connue sous la forme de marbres jusqu'au début du xixe siècle. Cependant, les fouilles de Grèce et d'Étrurie ayant révélé que la terre cuite avait été très utilisée dans l'Antiquité, les faussaires n'eurent garde de négliger, dès la fin du xixe siècle, une technique aussi facile à manier. La pièce la plus célèbre en ce genre est un sarcophage étrusque, acheté par le British Museum en 1873 ; c'est seulement en 1936 qu'il fut retiré des salles, quand il fut prouvé qu'il avait été modelé par les frères Pietro et Enrico Penelli. D'autres Italiens, Alfredo Fioravanti et les frères Riccardi, modelèrent les extravagants guerriers étrusques achetés en 1915, 1916 et 1921 par le Metropolitan Museum de New York ; c'est seulement en 1961 que le fils du célèbre faussaire Alceo Dossena (1878-1937) révéla comment son père avait réalisé la Diane, non moins étrusque, achetée en 1953 par le musée de Saint Louis (États-Unis). Cet artiste romain se montra extraordinairement habile dans la fabrication de sculptures, en marbre ou en terre cuite, pastiches de l'archaïsme grec, de l'art étrusque et de l'art de la Renaissance. Depuis toujours d'ailleurs, la remarquable dextérité de l'artisanat italien est un facteur redoutable de la contrefaçon dans le domaine de la sculpture ; sous le second Empire, le directeur du musée du Louvre, Nieuwerkerke, avait acheté un buste en terre cuite passant pour représenter l'humaniste G. Benevieni ; il était du modeleur Giovanni Bastianini, qui fit des dupes dans plusieurs grands musées. En 1937 encore, on découvrit en France dans un champ de navets une Vénus en marbre, qui troubla un moment[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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