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ART (L'art et son objet) Le faux en art

La détection des faux

Expert, critique et connaisseur

La détection des contrefaçons exige non seulement une grande expérience, mais un flair particulier qui permet de discerner aussitôt les éléments anormaux d'une œuvre d'art, même si celle-ci apparaît au premier abord digne d'intérêt et conforme à une manière ou à un style connus. Un connaisseur aura l'attention attirée par une usure anormale, obtenue par des moyens mécaniques, une patine suspecte, une mutilation placée de telle sorte qu'elle ne compromet pas les parties vitales de l'œuvre, la mauvaise qualité d'un papier vu par transparence, le poids excessif d'une céramique ou d'une terre cuite, le mauvais timbre sonore d'une pièce de faïence, le manque de translucidité d'une opaline, la craquelure d'un tableau obtenue artificiellement par passage au four ou cylindrage, les trous de vers trop réguliers ne se ramifiant pas en cavernes, un vernis saucé, la trace d'un outil moderne, de prétendues retouches suspectes, une inscription fautive, une image composite, des éléments iconiques anachroniques, et toute apparence matérielle insolite. L'irruption récente sur le marché des faux de l'artisanat japonais doit être redoutée, car, de tradition immémoriale, les Asiatiques sont de très habiles faussaires, capables d'imiter fort adroitement les caractères externes et internes des pièces anciennes.

Une œuvre portera toujours plus ou moins quelque marque du style de l'époque où elle a été faite. C'est ainsi que, parmi les contrefaçons de Vermeer, l'une d'elles, apparue sur le marché vers 1890-1900, évoque le style de Boldini, deux autres, probablement dues à un même auteur et qui n'ont été enregistrées par la critique que respectivement en 1926 et en 1935, font songer à Picasso. Cependant, les éléments modernes du style ne se révèlent, la plupart du temps, qu'après un certain délai ; auparavant, ils sont masqués par le style qu'ils imitent.

Quant aux œuvres anciennes et même contemporaines, la détection d'une attribution trop généreuse exige le sens de la qualité propre aux œuvres originales, ce qui suppose non seulement une grande mémoire visuelle, mais un œil sûr, don qui n'est pas tellement répandu. Il ne faut pas oublier, enfin, que les plus grands maîtres ont fait de mauvais tableaux, surtout quand ils ont été prolixes. Le public a trop tendance à demander à l'expert de se prononcer par oui ou par non ; la catégorie « douteux » est un facteur de jugement possible qui, en pratique, rejoint, il est vrai, celle du faux.

Signature et histoire de l'œuvre

Peut-on se fier aux signatures quand un des chefs-d'œuvre les plus célèbres de Vermeer, le Peintre dans son atelier du musée de Vienne, porte mention de la firme de Pieter de Hooch, apposée au xviiie siècle, à une époque où Vermeer était oublié et Pieter de Hooch très demandé ? Des signatures authentiques ont été truquées ; quoi de plus facile que de transformer un J. C. Oudry en J. B. Oudry ? Les artistes ont d'ailleurs très irrégulièrement signé leurs œuvres. Il est des tableaux parfaitement authentiques qui portent des signatures fausses, et l'on soupçonne Corot d'avoir apposé sa signature sur des pastiches de lui-même que lui présentaient des visiteurs importuns. Un des meilleurs procédés pour reconnaître l'ancienneté d'une signature est de voir si la craquelure passe dans les lettres ou si, au contraire, la couleur de la signature interrompt la craquelure. Dans le premier cas, cela prouve au moins que la signature est contemporaine, ou peu éloignée, de l'exécution de la peinture. Quant à l'histoire de l'œuvre, pour être admise comme élément probatoire, elle demande tout un travail de vérification que seuls peuvent faire les spécialistes. Les marchands peu scrupuleux inventent des pedigrees imaginaires, propres[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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