ART (Le discours sur l'art) Iconologie
Méthode de l'histoire de l'art
Origines de la nouvelle méthode : Aby Warburg
Pour W.S. Heckscher l'iconologie comme méthode est née en 1912. Cette année-là, en effet, Aby Warburg présenta au Congrès international d'histoire de l'art à Rome un rapport qui fit sensation sur les fresques peintes par Francesco Cossa et ses collaborateurs au palais Schifanoia de Ferrare. Ces fresques, que les critiques et les historiens n'avaient pas réussi à interpréter, ont été expliquées par Warburg comme la représentation picturale d'un programme astrologique, conçu par un humaniste de Ferrare, mais fondé sur les traditions arabe, ptoléméenne et indienne. Les personnages représentés furent interprétés par Warburg comme les figurations des « puissances qui règlent la vie, chaque mois étant évoqué par son « seigneur » astral en une « storia » explicite ; un bandeau est consacré au signe zodiacal et aux « décans » correspondants » (A. Chastel). Tout en présentant les résultats de ses recherches, Warburg exposait sa méthode : « En osant présenter ici cette esquisse provisoire touchant une question de détail, je voulais en même temps m'exprimer en plaidant pour l'élargissement des limites méthodologiques de notre érudition de l'art, en ce qui concerne le matériel d'étude ainsi que son étendue [...] J'espère qu'au moyen de la méthode utilisée par moi pour l'éclaircissement des fresques du palais Schifanoia de Ferrare j'ai démontré qu'une analyse iconologique, qui ose considérer l'Antiquité, le Moyen Âge et les Temps modernes comme des époques liées entre elles, et analyser les œuvres des arts les plus libéraux et les plus appliqués comme des documents d'expression égale, en s'efforçant de jeter de la lumière sur une tache sombre, éclaire en même temps des grandes suites de développement entrenouées. »
La méthode de Warburg fut adoptée en premier lieu pour l'étude de la signification et du rôle que l'Antiquité jouait pour la civilisation européenne du Moyen Âge et de la Renaissance. Warburg, continuateur de Burckhardt, de Nietzsche et d'Hermann Usener, voulait tracer la vie posthume des images créées non seulement par l'Antiquité classique, apollinienne, mais aussi par le courant pathétique, dionysiaque ; ce dernier s'exprimait par les systèmes depuis longtemps oubliés de l'astrologie et de la magie, qui jouèrent un rôle important en transmettant aux humanistes et aux artistes de la Renaissance les images des dieux antiques. Analysant les formules d'expression puisées par les artistes de la Renaissance dans le vocabulaire de l'art antique, Warburg réussit à interpréter des contenus jusqu'alors ignorés ou inconnus. Son influence sur l'étude historique de l'art, associée à celle du philosophe Ernst Cassirer qui étudiait la civilisation humaine en tant qu'ensemble des « formes symboliques » des différentes attitudes philosophiques, fut décisive pour le développement de la méthode « iconologique ». L'instrument précieux de cette méthode fut la bibliothèque créée par Warburg à Hambourg, et gérée après sa mort, en 1929, par son fidèle assistant et successeur Fritz Saxl (1890-1948) ; ce dernier la sauva de la débâcle nazie et la transféra en 1933 à Londres, où elle fait partie maintenant de l'Université.
La pensée de Warburg eut une influence profonde et décisive sur le nouveau développement donné à l'étude des images. Un érudit du cercle de Warburg, Edgar Wind, en définissait ainsi les idées directrices : « La vision artistique remplit une fonction nécessaire dans l'ensemble de la civilisation. Mais qui veut comprendre comment cette vision fonctionne ne peut pas l'isoler d'autres fonctions de la culture, et il doit se demander quelle importance[...]
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Écrit par
- Jan BIALOSTOCKI : conservateur en chef du département des peintures étrangères au musée de Varsovie
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