ART (Le discours sur l'art) Iconologie
Développements critiques
La diversité des significations qu'on prête au terme iconologie rend difficile l'appréciation de la méthode. On peut l'observer chez les détracteurs ainsi que chez les partisans de Panofsky. W.S. Heckscher par exemple, dans son rapport sur les origines de l'iconologie, publié en 1967, met l'accent dans sa définition de l'iconologie sur l'interprétation des attributs et des autres éléments porteurs de signification, c'est-à-dire sur le second niveau d'interprétation selon Panofsky. Cela se vérifie d'ailleurs dans la pratique de la méthode, dont les représentants s'attardent beaucoup plus sur l'interprétation des éléments du symbolisme conventionnel que sur la recherche du sens interne des œuvres comme symptômes d'une attitude fondamentale de l'esprit humain. Ce fait est particulièrement observé dans le compte rendu critique d'O. Pächt du livre de Panofsky sur la peinture flamande (1956). Pächt appelle cette version de la méthode « la version symbolique de l'iconologie ».
Des jugements critiques furent adressés à chacun des trois niveaux d'interprétation formulés par Panofsky. E. Forssman, en 1966, reprochait à Panofsky son interprétation du premier niveau négligeant la première impression esthétique, qui n'aurait pas besoin – selon Forssman – de se cristalliser spontanément dans une interprétation des formes comme représentant des objets. Il juge excessif de demander au spectateur d'entreprendre dans ce premier moment déjà une identification stylistique, ce qui est considéré par Panofsky comme une condition de l'interprétation du premier niveau. R. Klein a démontré en 1963 la fluidité des limites des catégories d'interprétation, étant donné la richesse des liaisons entre l'objet et la signification, ainsi qu'il a vu le manque de limites claires entre « l'outillage mental dont on dispose pour le travail d'interprétation et les principes de contrôle ». Il a même douté de la possibilité de séparer les deux niveaux.
Pour le troisième niveau d'interprétation, G. Previtali a mis en question la justification de l'analyse iconologique comme étape de recherche de l'historien de l'art, puisque le contenu qu'on découvre appartient à d'autres disciplines, telles l'histoire de la philosophie, des religions, la sociologie. Cette critique dérive d'une conception « fermée » de l'histoire de l'art, étrangère à Panofsky, qui préconisait une collaboration entre les différentes disciplines des sciences humaines pour construire une image complète de la culture.
O. Pächt, dans son compte rendu déjà mentionné, posait le problème critique d'une manière plus profonde. Il demandait si la relation entre les images et les idées peut être soumise à des règles rationnelles. Il constatait que les images ne sont pas toujours une traduction rationnelle des idées. Il doutait qu'on puisse chercher l'importance d'une œuvre d'art dans la richesse, la cohérence et la complexité de son contenu symbolique. Le caractère rationnel de la relation entre les idées religieuses et les images fut mis en question de la manière la plus sévère par R. Berliner en 1956. Il rappelait que les expériences et les sentiments religieux trouvaient dans l'art une expression autonome, indépendante d'une théologie rationnellement formulée. Selon Pächt et Berliner, l'univers des images n'est pas régi par les lois logiques qui gouvernent l'univers rationnel de la raison humaine. Les éléments irrationnels et émotifs seraient d'une très grande importance pour la formation des images. Il semble toutefois que ces objections peuvent être, sinon réfutées, au moins atténuées, en rappelant que le système d'interprétation de Panofsky ne se fonde pas sur le concept de l'expression d'un domaine de l'esprit par un autre, mais[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jan BIALOSTOCKI : conservateur en chef du département des peintures étrangères au musée de Varsovie
Classification
Autres références
-
ANTHROPOLOGIE DE L'ART
- Écrit par Brigitte DERLON et Monique JEUDY-BALLINI
- 3 610 mots
- 1 média
L’anthropologie de l’art désigne le domaine, au sein de l’anthropologie sociale et culturelle, qui se consacre principalement à l’étude des expressions plastiques et picturales. L’architecture, la danse, la musique, la littérature, le théâtre et le cinéma n’y sont abordés que marginalement,...
-
ART (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 282 mots
-
FINS DE L'ART (esthétique)
- Écrit par Danièle COHN
- 2 835 mots
L'idée des fins de l'art a depuis plus d'un siècle et demi laissé la place à celle d'une fin de l'art. Or, à regarder l'art contemporain, il apparaît que la fin de l'art est aujourd'hui un motif exsangue, et la question de ses fins une urgence. Pourquoi, comment en est-on arrivé là ?
-
ŒUVRE D'ART
- Écrit par Mikel DUFRENNE
- 7 938 mots
La réflexion du philosophe est sans cesse sollicitée par la notion d'œuvre. Nous vivons dans un monde peuplé des produits de l'homo faber. Mais la théologie s'interroge : ce monde et l'homme ne sont-ils pas eux-mêmes les produits d'une démiurgie transcendante ? Et l'homme anxieux d'un...
-
STRUCTURE & ART
- Écrit par Hubert DAMISCH
- 2 874 mots
La métaphore architecturale occupe une place relativement insoupçonnée dans l'archéologie de la pensée structurale qu'elle aura fournie de modèles le plus souvent mécanistes, fondés sur la distinction, héritée de Viollet-le-Duc, entre la structure et la forme. La notion d'ordre, telle que l'impose la...
-
TECHNIQUE ET ART
- Écrit par Marc LE BOT
- 5 572 mots
- 1 média
La distinction entre art et technique n'est pas une donnée de nature. C'est un fait social : fait qui a valeur institutionnelle et dont l'événement dans l'histoire des idées est d'ailleurs relativement récent. C'est dire qu'on ne saurait non plus considérer cette distinction comme un pur fait de connaissance...
-
1848 ET L'ART (expositions)
- Écrit par Jean-François POIRIER
- 1 189 mots
Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...
-
ACADÉMISME
- Écrit par Gerald M. ACKERMAN
- 3 543 mots
- 2 médias
Le terme « académisme » se rapporte aux attitudes et principes enseignés dans des écoles d'art dûment organisées, habituellement appelées académies de peinture, ainsi qu'aux œuvres d'art et jugements critiques, produits conformément à ces principes par des académiciens, c'est-à-dire...
-
ALCHIMIE
- Écrit par René ALLEAU et Encyclopædia Universalis
- 13 642 mots
- 2 médias
...phénomènes perçus par nos sens et par leurs instruments. Cette hypothèse peut sembler aventureuse. Pourtant, le simple bon sens suffit à la justifier. Tout art, en effet, s'il est génial, nous montre que le « beau est la splendeur du vrai » et que les structures « imaginales » existent éminemment puisqu'elles... -
ARCHAÏQUE MENTALITÉ
- Écrit par Jean CAZENEUVE
- 7 048 mots
...le succès correspond peut-être à un besoin accru encore par les progrès de la pensée positive et pour ainsi dire en réaction contre elle. D'autre part, on peut trouver dans la vie artistique, sous toutes ses formes, la recherche d'une harmonie entre le subjectif et l'objectif, en même temps qu'un retour... - Afficher les 41 références