ART, LE PRÉSENT. LA CRÉATION PLASTICIENNE AU TOURNANT DU XXIe SIÈCLE (P. Ardenne) Fiche de lecture
Agrégé d'histoire, Paul Ardenne enseigne l'histoire de l'art et l'esthétique à la faculté d'Amiens. Ponctuellement il livre, le plus souvent de manière pertinente, ses réflexions sur l'évolution de la création contemporaine. En 2006, il publiait ainsi Extrême, esthétiques de la limite dépassée (Flammarion), un essai dans lequel il recensait, en tant que « phénomène de civilisation », l'ensemble des pratiques susceptibles de choquer un regardeur avide de sensations fortes. Avec Art, le présent. La création plasticienne au tournant du XXIe siècle (Éditions du Regard, 2009), l'auteur propose une véritable anthologie de la création plastique telle qu'elle est apparue depuis une trentaine d'années, et dont il annonce d'entrée de jeu « qu'elle est profuse, pléthorique, étouffante parfois ». En s'en tenant, faute de mieux sans doute, à la notion de postmodernité, Paul Ardenne se livre au fil des pages à une analyse brillante et détaillée d'un univers de formes particulièrement fécond.
Si l'on suit Paul Ardenne, il semble impossible de qualifier de manière globale l'artiste de l'âge postmoderne. De façon générale, on peut dire qu'il en a fini avec les grandes figures de la modernité et qu'il est, écrit l'auteur, « un électron libre qui respire à pleins poumons [...] Et n'a de compte à rendre à personne ». Il peut en outre valoriser à son profit tout aussi bien l'histoire en train de se faire que l'ensemble des technologies que l'époque contemporaine met à sa disposition. S'il a liquidé le passé, l'artiste d'aujourd'hui a quand même gardé quelques repères d'importance : Marcel Duchamp et le ready made, Joseph Beuys et sa célèbre formule : « chaque homme est un artiste », ainsi qu'Andy Warhol, le maître de l'underground new-yorkais. Il faudrait y ajouter les artistes liés aux avant-gardes des années 1960 (Arte povera, Fluxus, land art, Nouveau Réalisme...) qui restent malgré tout des références majeures.
Dans ces conditions, tenter une définition unique s'avère difficile face à un artiste que son émancipation autorise à s'impliquer dans une démarche à « très large spectre et qui travaille de mille manières concernant mille choses ou sujets différents ». Partant de la définition d'Ernst Gombrich selon laquelle « il n'y a pas d'art, il n'y a que des artistes », Paul Ardenne va souvent à la rencontre des créateurs et leur donne la parole.
Par ailleurs, en témoin direct de l'ensemble des pratiques et des prestations, il ne choisit pas vraiment mais classe et analyse en profondeur, avec un remarquable sens de la formule, l'ensemble des productions. En préambule, il titre : « Un artiste une voix » et évoque le travail, fondé pour l'essentiel sur des données autobiographiques, de la jeune Tracey Emin, qui a présenté un matelas installé sous une tente décorée avec la liste de tous ceux avec qui elle a dormi depuis sa naissance. Quant à la séquence finale intitulée « Entreprendre et faire croire que c'est de l'art, et vice versa », elle permet de découvrir les performances d'Olivier Stévenart, qui se dit « technicien de surface et ambassadeur », et qui joue à la fois de l'esthétisation de son propos (il effectue des travaux manuels dans les appartements) et de la valorisation de son statut de prolétaire. Du début à la fin, la liste des artistes cités est impressionnante et couvre, pour l'essentiel, l'ensemble de la production actuelle. Impressionnant également est l'inventaire des procédés utilisés : de la peinture à l'huile et du bronze aux grandes installations in situ, spectacles en tous genres, films, vidéoprojections, cibachromes, clichés Polaroid, ardoises électroniques. Ou encore, parmi d'autres « techniques », les animaux naturalisés, sans oublier les ordures[...]
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
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