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MINIMAL ET CONCEPTUEL ART

S'inscrivant dans la continuité de l'esthétique édifiée par le critique d'art américain Clement Greenberg (1909-1994), l'art minimal et son alter ego l'art conceptuel peuvent être considérés comme les enfants illégitimes du modernisme. Antérieur à l'avènement du phénomène conceptuel, l'art minimal voit le jour dans la première moitié des années 1960. Il fait suite aux différentes expériences essentialistes qui ont marqué une abstraction américaine dont le processus d'épuration aboutit à un degré zéro de la pratique picturale. Ad Reinhardt, Frank Stella et Robert Ryman sont les artisans de cette recherche, faisant dire à Greenberg, qui en tire, malgré lui, les conséquences, qu'« une toile tendue ou clouée existe déjà en tant que tableau, sans pour autant être nécessairement un tableau réussi » (Clement Greenberg, « Après l'expressionnisme abstrait », 1962). C'est à cet objet-tableau, selon eux culturellement conditionné, que vont s'en prendre les minimalistes. Jugeant qu'« un espace réel est fondamentalement plus fort et plus spécifique que de la peinture sur une surface plane » (« Specific Objects », 1965), leur chef de file, Donald Judd, va se faire le porte-parole d'une création renégociant aussi bien les présupposés de la peinture que de la sculpture traditionnelle. En optant pour la réalisation d'objets tridimensionnels qu'il qualifiera de spécifiques, cet artiste, rejoint par Carl Andre et Dan Flavin, ambitionne de décortiquer les paramètres circonscrivant les dits objets. « Forme, image, couleur et surface, nous dit Judd, sont une seule et même chose et ne sont pas séparées et dispersées » (« Specific Objects »). Fidèle au principe tautologique, énoncé par le peintre Frank Stella en 1964 (« ce que vous voyez est ce qui est à voir »), Judd produira tout au long de sa carrière des objets dont la lisibilité (symétrie, sérialité, unicité, indivisibilité) et la visibilité du propos témoignent de cette exigence, fût-elle illusoire. La renégociation des présupposés sculpturaux chers aux minimalistes débouchera toutefois sur une voie alternative personnifiée par l'artiste Robert Morris. Ses travaux et écrits traduisent une conception moins dogmatique, ouverte à des enjeux phénoménologiques qui interrogent aussi bien l'essence et les processus sculpturaux que la place, précarisée, d'un spectateur subissant les permutations de ses statuts d'objet et de sujet.

Les artistes conceptuels tirent profit du déblayage minimaliste et surenchérissent en remettant en question non plus les traditions picturale et sculpturale, mais l'héritage formaliste et « objectuel » encore partiellement revendiqué par Judd et ses acolytes. Puisant dans les philosophies « analytique » de Ludwig Wittgenstein et du « langage ordinaire » de John Langshaw Austin (et son « énonciation performative »), les artistes conceptuels s'attacheront à articuler leurs travaux et investigations autour de la « définition » de l'art et de ses contextes d'exposition et de diffusion. La mise en application d'un processus de dématérialisation de l'objet d'art en sera la suite logique et inéluctable.

L'art minimal

Comme de nombreux courants de l'art moderne et contemporain, le minimal art, né aux États-unis dans les années 1964-1965, a souffert d'une appellation commode mais inexacte et déformatrice, tant du point de vue général, qui regroupait certaines idées communes à des pratiques très diverses, que du point de vue des singularités propres à chaque œuvre. L'expression minimal art – utilisée pour la première fois en janvier 1965 par Richard Wollheim dans un article paru dans la revue Arts Magazine – ne fut d'ailleurs pas la seule tentative de dénomination, puisqu'il y eut[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
  • : directrice de la rédaction de la revue Art Press
  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions

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