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MOSAN ART

Techniques et iconographie

Techniques du métal

Le primat des techniques du métal dans l'art mosan explique que le retable en pierre de la Vierge de Saint-Servais de Maastricht soit la transposition d'une œuvre d' orfèvrerie et que le bas-relief des apôtres, découvert en 1947 à Saint-Denis, ressemble à un long côté de châsse avec des figures dans le style de l'un des deux meilleurs maîtres de la châsse de saint Hadelin (Visé). Avant 1150 est mise au point la technique de l'opus duplex, qui permet de découper des rinceaux détachés du fond auquel ils ne sont plus reliés que par des points de suture. Elle sera utilisée à partir de 1230 environ par l'orfèvre Hugo de Oignies et sera imitée dans toute l'Europe sous le nom d'opus veneticum (ouvrage de Venise). Le candélabre monumental à sept branches de la cathédrale de Milan est le chef-d'œuvre de la sculpture en bronze, traitée comme ajour et entrelacs à trois dimensions. C'est une prodigieuse sylve de rinceaux animés et de palmettes monstrueuses, qui n'a d'analogue que dans les lettres capitales décorées des manuscrits de l'école de Winchester, peuplée de figures nues à l'antique, des allégories des arts libéraux, de signes zodiacaux et des « types » de la Vierge dans l'Ancien Testament, dominée par la cavalcade des Rois mages pris dans les lacis du nœud. Quand il s'agissait d'assembler des pièces de dimensions moyennes, on coulait à cire perdue dans une forme enduite d'argile détrempée d'eau afin d'éviter le retrait du laiton. Pour des œuvres considérables, comme les battants de la porte de Gniezno, en Pologne, réalisation d'un atelier local dirigé par un maître mosan, qui illustre la vie de saint Adalbert (vers 1170), on avait recours à la fonte au sable.

Polychromie

Jusqu'à une date relativement avancée du xiie siècle, les artistes mosans firent un usage modéré de la polychromie. Celle-ci est à base de plaques orfévrées, avec pierreries disposées en quinconce et filigranes, et d' émaux. Sur le mobilier liturgique, les émaux sont incrustés en compositions rosacées qui déploient les « types » ou symboles de l'Ancien Testament autour des « mystères » ou théophanies du Nouveau Testament, selon le schéma topologique de la « roue au milieu de la roue » de la vision d'Ézéchiel (tympan du retable de Stavelot connu par un dessin daté « 1661 » aux Archives de l'État, Liège ; plaques aux musées de Lille et de Boston, nombreux exemples de quatrefeuilles et phylactères). À l'échelle et avec la complexité exigées par l'exégèse allégorisante du xiie siècle (Robert de Saint-Laurent, Pierre Lombard, Hugues de Saint-Victor, Honorius Augustodunensis), l'émail mosan champlevé représente la renaissance de l'industrie provinciale des rouelles et fibules zoomorphes émaillées sur bronze des ateliers romano-belges. L'émail resta longtemps subordonné à la forme : sous le chef-reliquaire du pape saint Alexandre (1145), des plaques émaillées fusionnent les Béatitudes et les dons du Saint Esprit dans une exégèse tirée de saint Augustin. Sur les châsses et les retables, l'effet lumineux reste largement tributaire de cavités creusées dans le métal doré pour obtenir condensation et miroitement. Le vernis brun, à base de lin chauffé, permettait de réserver une décoration végétale, et parfois des figures, sur le fond doré. Les émaux sont opaques, même dans l'opus mixtum (insertion de motifs d'émail cloisonné dans l'émail champlevé). Le ton le plus opulent est fourni par les rouges à oxyde d'or. Les nimbes émaillés du Christ et des apôtres du Retable de la Pentecôte du musée de Cluny (Paris) ont été ajoutés après l'exécution des figures et la gravure des rayons sur le fond. Seuls les vêtements et[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

Classification

Autres références

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