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MOZARABE ART

Bien qu'apparemment précis, le terme de mozarabe apparaît à l'analyse plein d'ambiguïté. Il s'applique aux populations chrétiennes passées sous le joug musulman après la conquête de la péninsule Ibérique par les disciples de Mahomet par opposition au terme de mudéjar, qui désigne les musulmans soumis par la suite aux chrétiens et contraints de travailler à leur service. Pour connaître l'art mozarabe, il devrait donc suffire de se tourner vers le califat de Cordoue et vers les divers États musulmans qui lui ont succédé. C'est ainsi qu'on se rendra d'abord à Tolède, l'ancienne capitale de l'Espagne wisigothique, une ville où les chrétiens demeuraient majoritaires et où, moyennant le paiement d'un tribut, ils jouissaient de l'autonomie jusqu'en 932. N'existait-il pas encore six églises mozarabes lors de sa reconquête par Alphonse VI de Castille en mai 1085 ? Les actuelles églises de San Sebastián et de Santa Eulalia seraient de celles-là, et San Millán, rebâtie par la suite, conserverait le plan d'une construction de cette époque. S'il en est ainsi, les églises mozarabes tolédanes n'auraient été que de simples basiliques charpentées avec de grandes arcades en fer à cheval et des clochers robustes, parfois isolés. Elle prolongeaient, pour l'essentiel, la tradition wisigothique.

En dehors de Tolède, c'est encore une basilique qu'a reconstruite le rebelle ‘Umar ibn Ḥafṣūn, un renégat revenu à la foi de ses pères, dans son repaire de Bobastro en haute Andalousie. La plus remarquable des églises chrétiennes dans le monde musulman d'Espagne, Santa María de Melque, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Tolède, est d'un autre type. Cependant, sa forme en croix se rattache, elle aussi, à un prototype wisigothique dont elle ne diffère que par le recours à un modèle cordouan pour ses arcs outrepassés.

Les édifices mozarabes, au sens strict du terme, demeurent au total d'une insigne rareté et c'est, en définitive, dans des pays chrétiens que cet art a trouvé son illustration, fait paradoxal qui a été signalé ci-dessus. On en connaît les raisons. Redoutant l'attraction exercée sur les fidèles par un genre de vie et une culture en contradiction avec les principes de l'Évangile, un certain nombre de chrétiens avaient publiquement attaqué Mahomet et l'islam pour réveiller les consciences endormies en irriguant le champ de la foi du sang de leur martyre. La répression fut en effet brutale et l'émir Mohammed Ier (852-886) ne laissa d'autre alternative à ses sujets rebelles que la conversion à l'islam ou la fuite. Ils furent bien accueillis dans le petit royaume chrétien qui s'était maintenu dans les montagnes des Asturies et qui venait de s'agrandir en direction du sud. Les mozarabes s'y installèrent nombreux à la frontière du monde musulman, notamment dans la région du Douro.

Plusieurs des églises élevées par des communautés monastiques venues d'Andalousie ont disparu, mais il en demeure encore suffisamment pour qu'il soit possible de préciser l'importance des apports méridionaux dans le nord de la péninsule vers le début du xe siècle. Parmi elles, trois paraissent particulièrement tributaires de l'art de Cordoue : San Miguel de Escalada, à l'est de León, Santiago de Peñalba, à l'ouest d'Astorga et San Miguel de Celanova, un peu au sud d'Orense. La première, de plan basilical, avec trois absides semblables à des mihrabs et des arcs au dessin fortement outrepassé, est d'une extrême distinction. Elle est de peu antérieure à 913. Santiago de Peñalba, construit probablement entre 930 et 937, ne dérive pas moins nettement de l'art andalou, ainsi que San Miguel de Celanova, qui en est, en somme, la réduction simplifiée.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail

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