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ART (notions de base)

Le destin de l’art

La reconnaissance de l’œuvre géniale par l’humanité tout entière n’est-elle pas aussi le signe qu’à travers l’art les hommes progressent dans la connaissance qu’ils prennent d’eux-mêmes ? « Tous les arts sont des miroirs où l’homme connaît et reconnaît quelque chose de lui-même qu’il ignorait », écrit Alain (1868-1951). Jusqu’où cependant faut-il valoriser cette fonction de l’art, et cette valorisation n’est-elle pas dangereuse ?

Un philosophe du xixe siècle a quasiment réduit l’art à ce rôle éducatif : il s'agit de G. F. W. Hegel (1770-1831). Pour le premier grand philosophe à avoir pensé l’histoire, ce qui anime le mouvement de l’humanité est la progression que nous effectuons dans la connaissance de nous-mêmes, dont l’art est le premier vecteur. Un peu comme un enfant à qui l’on offre ses premiers crayons et qui va projeter sur le papier l’image de ses parents et de lui-même, comprenant grâce à l’objet produit qui il est et comment il se situe, les œuvres esthétiques ont marqué les grandes étapes de la connaissance que l’humanité a prise d’elle-même au cours des millénaires. Par le biais de l’art, l’homme découvre qu’il n’est pas un animal semblable aux autres, mais qu’il est porteur de quelque chose d’infini, de divin, et que sa vocation est d’amener au grand jour cette part de lui-même. Cependant, en progressant sur la voie de cette conscience de soi, l’humanité va découvrir une contradiction insurmontable : comment peut-on symboliser l’infini dont nous sommes porteurs dans une figure finie ? « L’art classique et sa religion de la beauté ne satisfont pas les profondeurs de l’esprit », résume notre philosophe.

La leçon qu’on peut alors retirer de la démarche hégélienne est la suivante : si la fonction de l’art est intellectualiste, celui-ci devra laisser place à des « outils » supérieurs à lui pour jouer ce rôle. Ce sera d’abord la religion, par laquelle l’homme entrera en relation avec un Absolu sans passer par la représentation, puis la science (au sens à la fois des savoirs particuliers et de la philosophie qui les couronne) qui finit par trouver dans le concept la forme universelle permettant d’inclure toutes les réalités particulières, l’instrument adéquat et même l’unique instrument qui soit digne de ce que nous avons pour vocation de porter au grand jour. En le réduisant à cette dimension « intellectualiste », Hegel annonce logiquement la « mort de l’Art » au sens où dorénavant nous n’attendons plus de lui – mais bien des sciences et de la philosophie – une progression dans la connaissance de nous-mêmes (ce qui, bien sûr, ne signifie pas que l’œuvre d’art disparaisse du paysage humain).

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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