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OPTIQUE ET CINÉTIQUE ART

Mouvement polymorphe, dont la riche diversité se laisse difficilement appréhender de manière synthétique, l'art optique et cinétique n'a que récemment réintégré l'histoire de l'art. Il y occupait une place sans commune mesure avec son incontestable succès et son rayonnement auprès des institutions et de la critique informée, mais aussi du grand public, dès les années 1960. Son dynamisme et sa surprenante expansion, à partir d'un foyer français, dans toute l'Europe, y compris l'Europe de l'Est et jusqu'en Union soviétique, sans parler de ses répercussions en Amérique latine, dont beaucoup de ses artistes sont originaires, ont été longtemps sous-estimés. Art optique et cinétique ont sans doute été victimes de leur popularité. L'esthétique que ses artistes ont diffusée, notamment par l'intermédiaire d'éditions de multiples, et qui touchait aussi bien la mode et la décoration, le design de mobilier et le design graphique, que l'intégration architecturale, a fini par lasser. Définitivement associée aux années psychédéliques, elle n'a pas résisté au retour à l'ordre de la décennie 1980. En outre, passé un certain temps de surprise, l'art optico-cinétique s'est vu ramené à une accablante dépendance envers de simples effets perceptifs. Réduit à cette seule définition, c'est-à-dire à l'expérimentation de jeux optiques, particulièrement réussis, certes, mais qui montreraient au mieux une remarquable connaissance des conditions physiologiques de la vision, il avait toutes les chances de ne pas livrer ses véritables tenants et aboutissants. Si son ambition n'était que rétinienne, comment rendre compte de ce qui en lui manifestait bien d'autres projets : la dissolution de la forme compositionnelle classique, la remise en cause des supports habituels et la dématérialisation de l'objet d'art, la participation corporelle et polysensorielle du spectateur, la poursuite d'un art environnemental et architectural, etc., qui affectent une certaine idée de l'œuvre individuelle et du tableau de chevalet, ainsi que la relation traditionnelle du spectateur à l'œuvre.

« Le Mouvement »

Placée sous l'autorité de deux précurseurs, Marcel Duchamp et Alexander Calder, une exposition qui se tient à la galerie Denise René à Paris en avril 1955 réunit, sous l'étiquette Le Mouvement, des œuvres de Victor Vasarely, Robert Jacobsen, Jean Tinguely, Jesús Rafael Soto, Pol Bury et Yaacov Agam : c'est le coup d'envoi de l'art cinétique. Publié à cette occasion, le Manifeste jaune, ainsi nommé en raison de la couleur du papier utilisé, réunit des textes qui mettent en exergue les idées de transformabilité de l'œuvre et d'intervention du spectateur. Le critique d'art Roger Bordier écrit alors : « Nous voici donc devant l'œuvre d'art transformable. Qu'il s'agisse de la mobilité de la pièce elle-même, du mouvement optique, de l'intervention du spectateur, en fait, l'œuvre d'art est devenue, de par sa propre substance, de par sa propre nature, constamment et peut-être indéfiniment recréable. » Ces idées étaient alors partagées par les représentants du mouvement Madí et par l'un de ses créateurs, Carmelo Arden Quin, auteur du manifeste El Movil, publié en 1945. Avec Gyula Kosice et Rhod Rothfuss, il avait créé (dès cette date) des objets manipulables, les Coplanals. Il implante ensuite, à partir de 1948, une branche française de Madí qui se manifeste à plusieurs reprises au Salon des réalités nouvelles et dans les galeries Suzanne Michel et Colette Allendy.

Entre les mains de ces artistes, le mouvement est un précieux auxiliaire contre l'ancien primat de la forme. C'est lui qui fait et défait en permanence les compositions géométriques des reliefs[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France

Classification

Médias

Bridget Riley - crédits : Tony Evans/ Timelapse Library Ltd/ Getty Images

Bridget Riley

Spazio elastico, G. Colombo - crédits : G. Pizzagalli/ Courtesy Archive Gianni Colombo, Milan

Spazio elastico, G. Colombo

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