OPTIQUE ET CINÉTIQUE ART
Accélérations optiques
C'est à l'exemple de la Rotative demi-sphère, réalisée en 1924 par Duchamp et exposée dans Le Mouvement, que Jesús Rafael Soto (1923-2005) construit en 1955 sa propre Spirale pulsatile. La série de reliefs en Plexiglas qui en découle laisse la place, avant la fin de la décennie, à des œuvres qui adoptent un système de fonds rayés contre lesquels s'évaporent les formes qui leur sont soumises. Dès le début des années 1960, le geste souple des Écritures en fil de fer se dissout dans un frémissement lumineux, tandis que les cascades de tiges métalliques des Vibrations horizontales émettent des bouffées d'énergie au rythme de leurs molles oscillations. Ces effets de plus en plus flagrants et efficaces manifestent, au-delà de la question du mouvement, le fond poético-scientifique des rêveries de l'artiste : dans la vibration lumineuse, le spectateur communie avec l'essence immatérielle et purement énergétique de l'univers. Vassilakis Takis – comme un Piotr Kowalski – n'est jamais loin de ces préoccupations, avec des œuvres qui en appellent à la communication par les ondes, dont elles ne seraient que le relais (Signal, 1956), et qui manient les champs électromagnétiques pour placer en lévitation de lourds objets métalliques (Télésculpture, 1959).
En déclarant : « Comme moteur, je n'ai jamais utilisé que l'œil. À aucun moment je n'ai cherché à utiliser le moteur électrique ou la mécanique. J'ai voulu mettre en œuvre le spectateur en tant que mécanique », Soto rappelle que, pour les tendances les plus opticalistes de l'art cinétique, le mouvement signifie surtout entraînement de la dynamique perceptive vers un état supérieur du rendement visuel. Julio Le Parc parle à ce propos d'un « troisième état » de la perception, qu'il identifie à un véritable « sens du mouvement » où « le moindre déplacement du spectateur produit un mouvement visuel plusieurs fois supérieur au mouvement réel du déplacement » (« À propos de art-spectacle, spectateur-actif, instabilité et programmation dans l'art visuel », 1962). De fait, certaines des structures les plus spectaculaires de l'art optique ne révèlent pleinement leur potentiel dynamogène qu'à la faveur de l'implication kinesthésique de l'observateur. C'est le cas des Accélérations optiques (à partir de 1959) de Jean-Pierre Yvaral, mais aussi des reliefs de l'artiste allemand Ludwig Wilding, de l'Argentin Antonio Asis, et des Italiens Alberto Biasi et Toni Costa, membres du Gruppo N fondé en 1959 à Padoue, et auteurs de reliefs à lamelles qui propulsent ombres et lumières le long de leurs courbes torsadées. Chacun d'eux aura contribué à définir un régime visuo-moteur de la perception, où non seulement l'œil motile mais également le corps mobile du spectateur deviennent agents moteurs de l'œuvre.
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
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