OPTIQUE ET CINÉTIQUE ART
Lumière et mouvement
Substance optique et dynamique par essence, la lumière a accompagné dès l'origine certaines des manifestations les plus significatives de l'art optico-cinétique. Les exemples de reliefs lumineux se multiplient à la fin des années 1940 et au début de la décennie suivante. Mais c'est l'artiste américain Frank Malina (1912-1981) qui leur donne leur plein développement. Installé à Paris, il expose à la galerie Colette Allendy dès 1955 un premier groupe d'Electropaintings. L'année suivante, il commence à mettre au point le système Lumidyne : des disques colorés translucides passent devant des ampoules électriques et produisent moires et diaprures sur l'écran dépolarisé qui les dissimule. Malina plonge ainsi le spectateur dans d'imaginaires visions d'un cosmos en perpétuelle genèse (Escaliers aux étoiles III, 1965).
La rêverie cosmique dirige aussi les premières créations de l'Argentin Gregorio Vardanega (1923-2007), qui suspend des constructions de Plexiglas dans la lignée de celles de László Moholy-Nagy et Georges Vantongerloo. Son usage de la couleur électrique se fonde sur la constatation de son plus grand impact sensoriel et de son rendement esthétique, bien supérieur à celui de la couleur pigmentaire. Ses reliefs à découpes concentriques la diffusent dans des gammes pastels particulièrement raffinées et à un rythme doucement pulsatile. Le clignotement de certaines œuvres, composées en échiquiers de lumières vives, épelle l'alphabet d'une sorte de morse visuel, interface entre la machine chargée de l'articuler et l'observateur qui le déchiffre dans l'extase quasi hypnotique que lui procure la sensation colorée (Multiplication électronique, 1965). Autant la pulsation répétitive caractérise le traitement de la lumière chez Vardanega, autant la fluidité reste une constante de l'œuvre de sa compagne, Martha Boto (1925-2004). Une fluidité qui lui vient de l'observation constante du spectacle mouvant et insaisissable de la nature : l'écoulement de l'eau, les reflets à sa surface, le mouvement des feuilles et des branchages sont autant de phénomènes que l'artiste prétend avoir recréés, plutôt que reproduits, dans une œuvre où le recours aux forces de l'électricité fait primer la traduction des énergies plutôt que des structures (Vibrations permanentes, 1966). Comme le critique Jean Clay l'avait déjà fait remarquer, « une œuvre cinétique n'existe que par le déroulement sous nos yeux, hic et nunc, d'un événement physique : les forces de la nature – ombres, lumière, énergie motrice – sont mises à contribution pour y mener devant nous le grand travail qu'elles accomplissent sans relâche dans la totalité de l'univers » (Robho, 1967). Ce credo n'aurait pas été renié par les membres du groupe Zero, fondé à Düsseldorf en 1957 par Günther Uecker, Heinz Mack et Otto Piene ; leurs installations lumino-cinétiques, dans la lignée du Licht-Raum Modulator de Moholy-Nagy (1930), plongent le spectateur dans le continuum vibratoire et lumineux du monde.
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
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