OPTIQUE ET CINÉTIQUE ART
L'environnement sensoriel
La forme environnementale dans laquelle débouchent ces expériences semblaient la mieux à même de répondre à la soif de sensations et aux besoins esthésiques de cette génération, tels que les exprime le critique Willoughby Sharp à la fin des années 1960 : « La peinture d'aujourd'hui et la sculpture statique ne sont plus complètement satisfaisantes. Nous avons besoin d'un art de plus grande énergie. Nous avons besoin d'un art de l'environnement total. Nous avons besoin d'un art qui nous unisse aux rythmes réels de notre ère. L'art de la lumière et du mouvement est dynamique, environnemental et inclusif. Il implique la totalité de nos sens » (Kineticism, 1967). Cette forme d'interaction, par la forte demande d'espace qu'elle implique, portait en elle la confrontation à l'échelle environnementale, où la sensation démultipliée par les dimensions sera portée à son maximum d'impact et d'efficacité sur le spectateur. Soto, après une phase d'accroissement régulier de ses formats, franchit le pas de l'intervention sur l'environnement total avec son Mur panoramique vibrant (pavillon du Venezuela, biennale de Venise, 1966). L'année suivante, il présente son premier Pénétrable en tubes souples, concrétisation magistrale d'un espace tactile entièrement enveloppant et définissant une zone d'expériences sensitives primordiales. Ce qui en découle, à savoir le primat de l'expérience physique de la couleur, n'a jamais été si bien mis en valeur que dans un groupe d'installations environnementales élaborées à partir de 1965 par son compatriote Carlos Cruz-Diez. Les Chromosaturations, selon les termes de l'artiste, « sont conçues de façon à mettre en évidence la notion de l'autonomie de la couleur dans l'espace, de la couleur isolée et agissant avec une force pleine et entière sur le spectateur ». Ces œuvres ne constituaient que l'une des douze propositions du projet d'un vaste « labyrinthe de déconditionnement », défini comme un « complexe de décharge perceptive et sensorielle mettant en jeu les sensations primaires ». Étaient également prévus un « couloir des températures » et un autre de l'odorat, un « compartiment tactile », ainsi qu'une « chambre à parois pneumatiques comprimant progressivement le corps », et pas moins de cinq cellules dévolues à diverses manipulations de la matière sonore. Soit un ensemble de stimulations jouant séparément sur la totalité du clavier des sensations et des facultés sensori-motrices de l'observateur.
Spazio elastico, G. Colombo
G. Pizzagalli/ Courtesy Archive Gianni Colombo, Milan
« La mise en cause du comportement » était également l'un des mots d'ordre du G.R.A.V., et des interventions de Julio Le Parc en particulier. C'est à lui, généralement, que les propositions du groupe doivent leurs dispositifs de contrainte corporelle les plus efficaces. Les premiers apparaissent dans un Labyrinthe installé en 1964 au musée des Arts décoratifs, sous la forme de marches à gravir, d'un passage revêtu d'un sol mou et accidenté, et d'un corridor obstrué par des cloisons en chicane. Ces dispositifs de stimulation kinesthésique connaissent leur apogée avec Le Parcours à volume variable (1967), constitué de trois parcours parallèles perturbant tour à tour l'une des trois coordonnées fondamentales de l'espace architectural, l'ensemble étant chargé de provoquer une « chaîne de situations et d'environnements qui déterminent des comportements différents » (Lumière et mouvement, 1967). Les exemples pourraient être multipliés également du côté italien avec les membres du Gruppo T, créé à Milan en 1959, où l'on motive de préoccupations semblables la création d'ambiances lumineuses, comme celles de Giovanni Anceschi (Ambiente a choks luminosi[...]
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Écrit par
- Arnauld PIERRE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France
Classification
Médias
Bridget Riley
Tony Evans/ Timelapse Library Ltd/ Getty Images
Spazio elastico, G. Colombo
G. Pizzagalli/ Courtesy Archive Gianni Colombo, Milan
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