OTTONIEN ART
La notion d'art ottonien ne recouvre pas seulement le règne des empereurs Otton Ier le Grand, Otton II et Otton III, dont cet art porte le nom. Elle s'étend sur une période qui va du milieu du xe siècle à la fin du xie, c'est-à-dire du renouveau de la vie spirituelle après l'effondrement de la civilisation carolingienne à la querelle des Investitures. Géographiquement, l'art ottonien désigne les œuvres créées à l'intérieur des frontières de l'Empire romain germanique, reconstitué par Otton Ier en 962, à l'exception de l'Italie ; la Lombardie, toutefois, offrait des rapports si étroits avec les régions voisines du Nord qu'une partie des œuvres qui y naquirent, en particulier dans le domaine de l'ivoirerie, doivent être attribuées à l'art ottonien au sens strict.
Les origines de l'art ottonien
Le développement de l'art ottonien est dû à la famille impériale ottonienne puis salique, et aux grands personnages laïcs et religieux de leur entourage, hommes et femmes. Cet art n'a cependant pas pris naissance dans les cours princières, mais auprès des sièges épiscopaux et avant tout dans les grandes abbayes. Les « écoles de palais » comme celles qui jouèrent un rôle décisif pendant la période carolingienne n'existaient plus. Une source unique, tardive de surcroît, désigne un certain Marcus Capellanus comme l'auteur d'un manuscrit fait pour Henri II (Ms. 4o théol. 15, Landesbibliothek, Kassel). Des personnages comme Egbert de Trèves (977-993) et Bernward d'Hildesheim (993-1022) font revivre le brillant mécénat épiscopal du ixe siècle. L'un des plus grands artistes de l'époque, le « Maître du Registrum Gregorii », dont les œuvres furent pendant des dizaines d'années le fondement et le modèle d'autres écoles, était au service d'Egbert. Quant à Bernward d'Hildesheim, il créa, avec Saint-Michel d'Hildesheim, la structure classique de l'architecture ottonienne ; des œuvres célèbres de sculpture, d'orfèvrerie et d'enluminure sont liées à son nom, et les monumentales portes de bronze d'Hildesheim ainsi que la « colonne de Bernward », œuvre unique, conçue à l'imitation des monuments de la basse Antiquité, sont des témoignages éclatants de la productivité des bronziers ottoniens. Cependant, les grands ateliers monastiques, en premier ceux de l'île de Reichenau, de Fulda et d'Echternach, ne produisent pas pour le compte d'une seule personne, mais pour un large cercle de commanditaires parmi lesquels figurent des rois, des empereurs et des prélats. À l'opposé des ateliers épiscopaux, dont l'activité était brève pour la plupart, ils restent productifs pendant des dizaines d'années, de sorte que les bouleversements spirituels très profonds de l'époque, notamment les mouvements réformateurs issus de Gorze au xe siècle et de Cluny au xie, n'ont pas été sans influence sur leur développement artistique.
Les débuts de l'art ottonien sont caractérisés par les emprunts aux œuvres carolingiennes qui existaient dans les divers centres de production ou qui demeuraient accessibles ; des œuvres de la basse époque carolingienne – ivoires et miniatures du temps de Charles le Chauve, par exemple – serviront de modèles, mais aussi, tout particulièrement, certaines œuvres de l'« école du palais » de Charlemagne. Ces deux éléments carolingiens, le plus ancien comme le plus récent, sont cependant dès l'origine transposés sciemment dans un style nouveau mettant les moyens artistiques au service d'une forme nouvelle de spiritualité et d'une faculté nouvelle d'expression. Un autre facteur vient bientôt enrichir l'art ottonien : l'étude des œuvres de la basse Antiquité et surtout la connaissance de l'art byzantin, connaissance que l'impératrice Théophano[...]
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Écrit par
- Florentine MÜTHERICH : docteur, professeur
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