PALÉOCHRÉTIEN ART
Les arts somptuaires
Manifestation ostentatoire à la gloire de Dieu mais aussi du donateur ou du possesseur des objets, les arts somptuaires chrétiens ne pouvaient apparaître que dans certaines conditions politiques, sociales et économiques : il fallut attendre la « paix de l'Église », établie par Constantin au début du ive siècle. Le développement du mécénat impérial et l'accroissement de la richesse de l'Église, qui gagne peu à peu à sa cause les hautes classes de la société, favorisent un artisanat de luxe lié étroitement à la religion nouvelle et producteur d'objets tant profanes que liturgiques. D'abord mesurée au ive siècle, cette évolution ira en s'accentuant, sans que l'entament les tentatives de restauration païenne des empereurs Julien ou Eugène ; chacune des grandes métropoles possède alors ses ateliers d'orfèvres ou d'ivoiriers, dont il est souvent difficile de définir le style propre. La rupture intervenue dans l'unité de l'Empire donnera toutefois au vie siècle un rôle prépondérant aux artisans orientaux.
De Constantin à la fin de l'Empire d'Occident (476)
Les débuts de cet artisanat sont particulièrement malaisés à cerner. L'inventaire des dons faits par Constantin aux églises de Rome, transmis par le Liber Pontificalis, montre que vaisselle et mobilier liturgiques d'or ou d'argent ne sont pas exceptionnels, mais le matériel conservé est rare. Le petit trésor de Water Newton (Angleterre) donne un des premiers exemples, très modeste, d'argenterie à caractère chrétien : les objets, aux formes très simples, sans décor, ne sont caractérisés comme tels que par des inscriptions ou la présence d'un chrisme ; les ex-voto sont étrangement semblables à ceux que l'on dédiait alors aux divinités païennes. De fait, il est encore difficile dans ce domaine de parler d'art chrétien : il n'y a rien de choquant, pour les chrétiens, à posséder eux-mêmes ou à offrir à l'Église des objets dont le décor reprend tel quel le répertoire de la mythologie, même si des plats identiques constituent pour certains membres de l'aristocratie sénatoriale romaine un moyen d'affirmer leur fidélité aux croyances de leurs ancêtres. Une simple invocation au Christ suffit à témoigner de la foi (coffret de mariage de Projecta Turcia). Les trésors ecclésiastiques eux-mêmes renferment bien des objets à caractère profane ou païen. D'ailleurs, le mobilier d'église, les luminaires entre autres, est dans la plupart des cas strictement identique au matériel profane.
À partir des années 350, davantage d'objets nous sont connus ; l'élaboration de la liturgie fait sans doute sentir petit à petit le besoin d'une vaisselle appropriée, comme en témoigne le trésor retrouvé à Canoscio, en Ombrie. Il s'agit parfois de pièces simples, des cuillers par exemple, certaines peut-être destinées à distribuer l'Eucharistie, ou bien de grandes aiguières élancées, l'une des formes alors les plus prisées ; le décor se limite à une croix, une inscription de caractère chrétien, ou quelques figures géométriques. Mais se multiplient aussi de véritables travaux d' orfèvrerie, dont l'ornementation devient très variée : figures isolées du Christ et des apôtres, scènes empruntées à l'Ancien ou au Nouveau Testament (Adam et Ève, Moïse et la source, les trois Hébreux dans la fournaise, Jugement de Salomon, Daniel dans la fosse aux lions, par exemple, pour le premier ; Adoration des Mages, Noces de Cana ou Résurrection de Lazare pour le second), ou bien encore images à caractère symbolique, parmi lesquelles les cerfs à la fontaine ou les agneaux adorant la croix. Le répertoire des formes en revanche reste limité : à côté de quelques flacons (exemplaire du British Museum, ou du trésor de Traprain Law, en Écosse), les reliquaires tiennent[...]
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Écrit par
- François BARATTE : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Françoise MONFRIN : maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Jean-Pierre SODINI : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Médias
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