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PUNIQUE ART

Les innovations puniques

L'art punique innove aussi, et de façon spécifique mais finalement conforme à l'esprit ancestral. Reprenant une formule préexistante – phénicienne ou non d'ailleurs –, il la soumet à d'infinies reproductions ou variations lui imprimant par là même son sceau.

L'estampille punique marque ainsi les ex-voto –  cippes et stèles – recueillis dans les tophets, enceintes sacrées à ciel ouvert qui protègent des couches successives d'urnes cinéraires de nourrissons morts naturellement ou, peut-être, immolés aux dieux. Les cippes (des viie-vie au ive s.), qui ont quelques équivalents en Phénicie, abondent dans les sanctuaires puniques. Leur genre y est renouvelé par des variantes du type phénicien, des créations originales (cippes-trônes notamment) et une symbolique inédite. Les stèles (fin ve-ive au iie s.), qu'annonce le modèle cintré oriental, se distinguent en général de celui-ci par un sommet pointu flanqué ou non d'acrotères et une iconographie à valeur symbolique extrêmement variée ; elles foisonnent à Carthage.

Contrairement à la plupart de celles qui sont moulées, les statuettes tournées – votives (vie-ier s. av. J.-C.) – portent aussi l'empreinte punique. Étranges avec leur tête difforme, leur tronc ovoïde ou campaniforme au sexe souligné et leurs bras en forme de boudins, elles se présentent comme les variantes de prototypes venus du Proche-Orient. Le parti pris de simplification qui les caractérise témoigne d'une seule volonté de suggestion : en attirant l'attention (du dieu ?) sur une partie du corps, elles expriment sans doute une prière.

De principe oriental aussi mais d'usage surtout funéraire, les masques et protomes humains de terre cuite connaissent des développements autonomes dans l'Occident phénico-punique. Les masques, qui proviennent sans doute d'une même source, représentent des Silènes, des acteurs ou des grotesques. À la fois précoces (viie s.) et variés, ces derniers, qui sont peut-être apotropaïques, ont les traits accusés par une grimaçante hilarité, des scarifications, des verrues et des rehauts de peinture. Les autres, qu'ont respectivement inspirés, à partir des ve-ive et iiie-iie siècles, mythologie et théâtre grecs, ont des oreilles pointues ou une bouche béante. Féminins et fardés pour la plupart, les protomes (vie-iie s.) sont assez stéréotypés. C'est que la référence égyptienne, matérialisée par la forme du klaft (coiffe à bandeau frontal et pans latéraux dégageant les oreilles), n'y est jamais abandonnée. Seul varie au gré des modes venues de Phénicie, d'Égypte, d'Ionie, de Rhodes, le traitement de la perruque (cercles, cannelures, etc.), du visage (volume, sourire, etc.), de la parure (de nez, de cou, d'oreilles).

Les rasoirs de bronze retrouvés dans les tombes, et dont Carthage est le principal manufacturier, évoluent vers une définition qui atteint son plein épanouissement pendant la période du ive au iie siècle. Dès le ve siècle, ils perdent leur allure de couteaux. Ils prennent alors la forme, sans doute empruntée à des précédents égéens ou nilotiques, de hachettes plates martelées – noires ou dorées – à pédoncule en col de cygne, à tranchant opposé arrondi et à bélière ou trou de fixation latéral. Ils se couvrent de décors gravés au pointillé ou au trait, dont les thèmes sont puisés dans le patrimoine iconographique des autres arts mineurs puniques ou empruntés au monnayage grec : scènes de libation, Isis nourricière, Hermès...

Sont également représentatifs de l'art punique qui n'en crée pas la formule mais la vulgarise et la marque de son empreinte, les coquilles d'œufs d'autruches décorées. Ces pièces, qui sont plus ou moins prisées (vie et iiie s. surtout), se présentent entières, décalottées,[...]

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Muraille punique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Muraille punique

Autres références

  • CARTHAGE

    • Écrit par , , et
    • 9 841 mots
    • 5 médias
    ...floral ou architectural hellénisant. La couche supérieure a été bouleversée par les Romains, et les stèles arrachées de leur tertre, brisées, dispersées. Une chapelle de faubourg, détruite par l'incendie de 146, a été découverte sous la gare actuelle de Salammbô. Elle était décorée de colonnes en trompe...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - Urbanisme et architecture

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