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ROMAN ART

Le terme d'art roman aurait été employé pour la première fois, en 1818, par l'archéologue normand Charles Duhérissier de Gerville, dans une lettre à son ami Auguste Le Prévost. Jusque-là, on avait qualifié indistinctement de « gothiques » toutes les manifestations de l'art médiéval. Cette meilleure compréhension des choses est à mettre à l'actif du romantisme, car elle répond à l'intérêt spécial que celui-ci accordait au Moyen Âge. Mais on ne s'étonnera pas non plus que le nouveau concept ait été forgé en Normandie, c'est-à-dire dans une province alors plus librement engagée dans la recherche et la réflexion archéologiques que les milieux parisiens prisonniers de l'académisme. Le choix du mot « roman » impliquait par ailleurs une idée particulière du phénomène historique auquel on l'appliquait. Il s'agissait d'établir un parallèle entre le développement artistique et l'évolution linguistique. De même que les langues romanes étaient issues du latin, de même l'art roman aurait prolongé les traditions romaines jusqu'à la naissance du gothique.

Bien qu'on ait conservé le terme de roman, la réalité qu'il recouvre apparaît de nos jours bien différente. Par rapport à l'héritage de Rome, l'art roman se définit autant par une rupture que par une continuité. Entre lui et le Bas-Empire prennent désormais place les formes propres à l'Europe des invasions et à l'art carolingien. Surtout, l'on sait maintenant que l'art roman constitue un véritable style, possédant son unité profonde et son dynamisme propre. On découvre en lui le premier grand style de l'Occident chrétien.

Le premier âge roman

On fixera autour de l'an mille l'entrée en action des forces novatrices ayant présidé à la naissance du style roman. Les contemporains en avaient conscience lorsqu'ils observaient, avec le chroniqueur Raoul Glaber, le blanc manteau d'églises dont se vêtait alors l'Occident. C'était comme un printemps : « On eût dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté. » Cependant, même si un certain nombre de conquêtes artistiques décisives se réalisent dès la première moitié du xie siècle et si parallèlement s'affirment les techniques correspondantes, on se gardera d'exagérer la portée des nouveautés à ce premier stade du développement. C'est ainsi que les forces de la tradition demeurent encore suffisamment puissantes pour imposer aux mutations leurs cadres géographiques.

Le premier art roman méridional

En 1928, et encore en 1930, l'archéologue catalan J. Puig i Cadafalch attira l'attention sur un ensemble de phénomènes propres à la partie occidentale de la Méditerranée, de la Dalmatie à la Catalogne, c'est-à-dire des frontières du monde byzantin à celles de l'Islam ibérique. Là serait apparu au début du xie siècle un premier art roman caractérisé aussi bien par ses techniques que par la particularité de son décor mural.

Il s'impose d'abord par ce décor. Bâties en pierres éclatées au marteau pour imiter les constructions de briques, ses églises sont à peu près uniformément revêtues à l'extérieur d'une parure d' arcatures très plates dénommées «   bandes lombardes ». Entre des pilastres étroits, connus sous le nom italien de «   lesènes », se développe un nombre variable de petits arcs qui animent faiblement la partie supérieure des murs. Ce motif, qui est plus particulièrement réservé aux absides, peut aussi gagner les murs latéraux de la nef. Parfois il s'enhardit à escalader les rampants du pignon d'une façade. Les arcatures sont fréquemment accompagnées d'une suite de niches aveugles ou de bandes de dents d'engrenage, offrant au-dessous des corniches des contrastes[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail

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Nef de Notre-Dame-la-Grande, Poitiers - crédits :  Bridgeman Images

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