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ART SACRÉ

Pour cerner l'art sacré au xxe siècle, les angles d'approche sont multiples et les études d'ensemble en sont encore à leur début. Les artistes du xxe siècle, qui ont beaucoup écrit sur leur art, ont souvent insisté sur sa dimension spirituelle. Une anthologie de leurs écrits apporterait une importante contribution au dossier de l'art sacré contemporain. Vassily Kandinsky n'intitule-t-il pas un recueil : Du spirituel dans l'art (1910). Le poète Pierre Reverdy, au détour de propos inspirés par l'œuvre de Georges Braque (1950), écrit : « L'art n'est pas un jeu [...]. Là où commence l'art cesse le jeu. Je m'étonne que l'on discerne si mal à quel point cette question de l'art dans la destinée de l'homme est une chose grave. Il y a tout simplement supplanté le réel. [....] Dans l'esprit, l'art est devenu roi. » Mais cette dimension spirituelle ne suffirait sans doute pas à expliquer l'insistant intérêt que notre temps a porté à l'art sacré.

On peut alors partir d'un constat : les édifices consacrés, c'est-à-dire en majeure partie les églises catholiques, sont les lieux les plus visités de France, ce qui fait apparaître immédiatement la dimension religieuse du patrimoine culturel. Or la manière dont ces églises ont été conçues, leur évolution et leur place dans l'environnement posent aujourd'hui problème, car la culture qui s'y attache n'est plus réellement partagée et nécessite une réévaluation. Pour l'appréhender, il convient d'en redéfinir les termes et de faire un détour par le passé, ce qui conduit à poser en préalable la question du rapport entre le sacré et le religieux.

Sacré-profane : une mise en perspective

Une manière élémentaire de définir le sacré consiste à l'opposer au profane. Le profane, c'est le monde naturel à l'intérieur duquel se manifeste quelque chose de différent, le sacré, ce que l'historien des religions, Mircea Eliade, nomme les hiérophanies (manifestations du sacré). Reconnaître ces manifestations relève du comportement de l'homme religieux, qui a marqué toutes les sociétés humaines pour lesquelles l'univers était sacralisé. Les modalités de ce rapport au sacré, que l'on peut appeler les religions, varient grandement dans le temps et dans l'espace.

Il est nécessaire d'insister sur ce dernier point, car il est à l'origine de la mise en place progressive d'un espace privilégié qui deviendra le lieu de culte : « Pour l'homme religieux, l'espace n'est pas homogène [...] : il y a des portions qualitativement différentes des autres » (M. Eliade) ; aussi, Dieu s'adressant à Moïse lui demande-t-il de retirer ses chaussures, « car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Exode, III, 5). Dans la société occidentale, l'Ancien Testament, qui constitue le corpus de textes régissant la plus ancienne des trois religions du Livre, présente un ensemble de prescriptions concernant l'espace sacré. Elles sont en quelque sorte résumées dans cette adresse de Salomon à Dieu : « Tu m'as ordonné de construire le Temple en ton très saint Nom, ainsi qu'un autel dans la cité où tu habites, d'après le modèle de la tente très sainte que tu avais préparée dès le commencement » (Sagesse, IX, 8). Le Temple est l'« image sanctifiée » du cosmos, la demeure terrestre où ont lieu les échanges avec Dieu, le reflet de la Jérusalem céleste – tous symbolismes qui trouveront leur écho dans l'église chrétienne : « En tant qu'image du Cosmos, l'église byzantine incarne et à la fois sanctifie le Monde » (M. Eliade). On peut sans doute ajouter que l'art sacré, par sa situation au sein de cette expérience religieuse de l'espace, peut être qualifié d'art religieux – même[...]

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