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ART SACRÉ

Quelques grands moments de l'entre-deux-guerres

La montée de l'ère industrielle s'était accompagnée de bouleversements sociaux avec, pour corollaire, l'afflux de populations ouvrières vers les villes. Dès la fin du xixe siècle, des prêtres avaient engagé auprès de ces populations une évangélisation dans la tradition du catholicisme social, une situation à laquelle avait répondu l'organisation de nouvelles paroisses. La loi de séparation de 1905 mettait en quelque sorte l'Église face à elle-même : elle devait assurer son œuvre édificatrice sans l'intermédiaire des services officiels de l'État. Pour le diocèse de Paris, une commission d'architecture religieuse avait été « instituée au lendemain de la séparation en vue de suppléer aux garanties de goût, de sécurité, de compétence que les Comités techniques de l'administration civile donnaient aux autorités diocésaines sous le régime du Concordat » (revue Le Rationaliste, déc. 1913).

Après 1918 et le choc de la guerre, il fallut regagner le terrain perdu. La construction d'édifices nouveaux fut plus précisément encadrée par l'archevêché, ce qui conduisit à la fondation, à la fin de 1930, de l'Œuvre des nouvelles paroisses de la banlieue parisienne, bientôt connue comme les Chantiers du cardinal par référence au cardinal Verdier, sacré archevêque de Paris en 1929. Les entreprises du début du xixe siècle avaient encore pour référence obligée les différents styles médiévaux, où Simon Texier perçoit « la concrétisation de l'étude ou de la restauration d'églises anciennes ». Pendant l'entre-deux-guerres au contraire, la vision de l'art sacré, proclamée en particulier par Maurice Denis, imprègne les architectes pour qui construire une nouvelle église est un acte de foi. Parmi les plus connus, citons Paul Tournon (1881-1964) qui exerça ses talents non seulement à Paris (église du Saint-Esprit) et dans sa région, mais aussi en province (Saint-Honoré d'Amiens, qui reprend le plan du pavillon pontifical de l'Exposition internationale des arts et techniques de 1937 à Paris), et même au Maroc (Saint-Joseph à Rabat et le Sacré-Cœur à Casablanca) ; Henri Vidal (1895-1955), connu pour Sainte-Marie-Médiatrice à Paris et surtout pour le monastère de la Nativité à Sens ; Julien Barbier (né en 1869), auteur d'une cinquantaine d'églises et chapelles construites sur le territoire français. Ce qui distingue ces architectes, c'est le refus du pastiche, la recherche sur les matériaux modernes et la conception d'ensemble du monument, avec son décor.

Cependant, ils ne se situent pas à l'avant-garde en matière de création architecturale dont les grands représentants du moment, tels Henri Sauvage ou Robert Mallet-Stevens, fourniront des projets d'églises qui ne seront jamais réalisés. C'est à Auguste Perret que revient l'honneur d'avoir construit l'édifice le plus révolutionnaire de son temps, Notre-Dame-de-la-Consolation au Raincy (terminée en 1923), une commande à resituer dans le cadre de la réconciliation nationale placée sous le signe du souvenir : en effet, le chanoine Nègre, curé du Raincy et maître d'ouvrage, la dédiait à la mémoire des morts de la bataille de la Marne. C'est une architecture placée sous le signe de la solidité et surtout de la vérité – pas d'enduits menteurs, pas de masques, comme disaient Paul Valéry et nombre de ses contemporains –, ce qui se traduit dans la simplicité du volume et dans le fait que toutes les composantes techniques (supports, articulations des éléments) sont facilement lisibles. Cet édifice est dans son essence l'héritier direct de ses lointains prédécesseurs du Moyen Âge et c'est avec les mêmes termes qu'il peut être décrit : ce grand volume unifié se compose en effet d'une nef encadrée de deux collatéraux, sans transept ; sa[...]

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