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ART SOUS L'OCCUPATION

La scène artistique

Vichy pensa donc à utiliser l'art et les artistes. Chaque ministère et chaque direction les convoquèrent : les Sports, la Jeunesse, la Propagande, la Ville de Paris ou le Maréchal lui-même, la direction des Beaux-Arts enfin, placée sous la tutelle de six ministres de l'Éducation nationale successifs et sous la responsabilité de Louis Hautecœur, jusqu'en avril 1944, puis de Georges Hilaire, jusqu'à la Libération. Le projet de corporation des arts graphiques et plastiques témoigna de la volonté de l'État de « caporaliser » la société française dans son ensemble, y compris dans sa partie la plus réticente à tout embrigadement ; le temps et les résistances des artistes (de Maurice Denis, nommé à la tête de l'ordre des arts graphiques et plastiques contre son gré, à Jean Bazaine la dénonçant dans la N.R.F.) entravèrent le projet d'ordre de l'État en laissant à l'Entraide des artistes, fondée en 1939, le soin de résoudre le sort matériel des plus défavorisés, sans qu'ils dussent pour autant renoncer aux traditions de liberté du milieu. En matière artistique, seuls les architectes furent soumis à un Ordre, il est vrai très encouragé par le secrétaire général des Beaux-Arts, spécialiste d'architecture.

Fidèle du Maréchal, Louis Hautecœur était historien d'art, universitaire et conservateur de musée. Son programme visait à défendre les collections nationales, à renforcer le pouvoir de l'administration, surtout en province, à se débarrasser du Conseil supérieur des beaux-arts, trop moderniste à son goût, enfin, à acquérir des œuvres d'art et à réformer l'enseignement des artistes et des conservateurs dans le droit-fil de son traditionalisme et de sa conception d'un « juste milieu ». S'il afficha volontiers le désir de promouvoir un art d'envergure monumentale, le seul projet officiel programmé en la matière demeura l'ensemble gréco-romain destiné à décorer l'autostrade de l'Ouest, qui rappelait les pompes de l'Exposition internationale de 1937. De façon générale, le budget de l'État consacré aux affaires artistiques (sensiblement en hausse par rapport aux années 1930, mais qui ne cessa de diminuer rapidement jusqu'en 1945) servit à aider des artistes « raisonnables », et ce selon leurs besoins matériels. Hormis quelques « spécialités » vichyssoises qui répondaient à l'air du temps – œuvres religieuses, Jeanne d'Arc (de Maxime Réal del Sarte à Henri Bouchard), personnages historiques secondaires, scènes de la vie militaire ou hommages au Maréchal –, la direction des Beaux-Arts encourageait, comme avant la guerre, un art qui plaisait au public : paysages, natures mortes, portraits ou marines, dans la mesure où leur mode de représentation ne transgressait pas les normes.

Si l'on devait dresser un portrait-robot de l'artiste susceptible de recevoir des commandes sous Vichy, ce serait celui d'un homme (15 p. 100 de femmes artistes seulement recevaient des commandes), plutôt peintre que sculpteur, âgé de plus de quarante ans, plus près de la soixantaine, parisien, habitant plutôt la rive gauche. La Commission d'achat se fournissait dans les différents Salons qui se tenaient tour à tour au Palais de Tōkyō : Salon des indépendants, des Tuileries, d'automne, les plus « jeunes » et audacieux ; ou dans les institutions plus traditionalistes, la Société des artistes français ou la Société nationale des beaux-arts.

En matière de goût, le tableau de la France se modifiait peu à peu depuis les années 1930, où l'on avait pu voir les Maîtres de l'art indépendants, qui avaient réconcilié la raison et l'aventure. Le nombre des visiteurs dans les expositions augmentait progressivement à la faveur de l'Occupation qui limitait les occasions[...]

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Écrit par

  • : professeure des Universités, enseignante à l'université de Picardie et à l'Institut politique de Paris

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Médias

Spoliation des œuvres d'art - crédits : Horace Abrahams/ Getty Images

Spoliation des œuvres d'art

Max Jacob - crédits : Sasha/ Hulton Archive/ Getty Images

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