ART URBAIN
Naissance du « writing »
S'il est d'abord le fait d'une poignée d'artistes en rupture, c'est par son versant populaire que l'art urbain accédera au rang de véritable culture. À la toute fin des années 1960, émerge en effet sur la côte est des États-Unis un mouvement esthétique promis à une diffusion internationale : le writing (nom donné par les Anglo-Saxons au graffiti d'inspiration new-yorkaise et que les graffeurs préfèrent à celui, trop générique, de graffiti). Porté par l'essor du Civil Rights Movement, ce mode d'expression minoritaire (il est originellement le fait des jeunes et des déshérités) doit beaucoup aux mutations qui s'opèrent alors dans l'espace urbain américain. À l'époque où Demetrius, jeune coursier d'origine grecque, commence à tracer sur les murs son pseudonyme Taki 183, New York se compose d'une somme de territoires fortement ségrégués dont seuls les réseaux de transport assurent la continuité. Significativement, c'est sur les rames des métros qui roulent d'un bout à l'autre de la ville que la jeunesse new-yorkaise développe peu à peu une esthétique proche de la calligraphie et dont les traits principaux sont l'emploi du pseudonyme, l'usage de la bombe aérosol et les nombreux emprunts à la culture de masse, cinéma et comics en tête. À mesure qu'il se diffuse, le mouvement se structure autour de règles et de valeurs communes : compétition entre crews (groupes de graffiti-artistes) au sein desquels les toys (les débutants) secondent les kings (expérimentés), allégeance à différents styles (wild style, throw up, block letters), valorisation de la prise de risque...
Dès l'origine pourtant deux conceptions du writing s'affrontent : aux fresques « vandales » exécutées sur train dans l'illégalité, s'oppose un graffiti mural moins tourné vers la prouesse virile. Le premier dresse contre lui les autorités et provoque la colère du grand public ; le second suscite dès les années 1970 l'intérêt des travailleurs sociaux, des galeries et des médias, et s'agrège à la scène new wave puis au mouvement culturel et artistique hip-hop, dont il apparaît comme le versant plastique. Il inspire également des artistes tels que Jean-Michel Basquiat et Keith Haring qui, s'ils s'écartent de l'esthétique du writing, n'en digèrent pas moins les stratégies de visibilité.
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Écrit par
- Stéphanie LEMOINE : journaliste, auteure
Classification
Médias
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