VIDÉO ART
Tendances actuelles
Le documentaire a dominé la décennie (1997-2008) : comme pour répondre à la globalisation, l'artiste, le cinéaste et le regardeur ont cherché un regard macroscopique en dehors de l'événement. Le retour de ce genre s'inscrit également en réaction au flot d'images véhiculé par Internet, brutes et sans analyse, et pour lesquelles l'authenticité des sources à l'heure de la retouche numérique peut être facilement mise en doute. Si les photographes ont exploré profondément les questions de la vérité documentaire, de la réalité et du réalisme, nombreux sont les vidéastes à avoir instillé une infime dose de distance fictionnelle dans leur démarche documentaire rigoureuse. C'est le cas de la vidéo de 68 minutes réalisée par le belge Johan Grimonprez en 1997, Dial H.I.S.T.O.R.Y., montage complexe d'archives télévisées qui constitue une anthologie critique du terrorisme et de la prise d'otage aérienne en particulier. Émaillé de citations d'œuvres de Don De Lillo et accompagné d'une bande sonore funk, le film construit une réflexion puissante sur le « cirque » télévisuel. La répétition de certaines scènes, proche d'un zapping quasi élu au rang de genre à part entière, offre une analyse des conditions de l'héroïsme et de la morale moderne.
La compilation d'archives n'est pas l'option retenue par la vidéaste Valérie Mréjen, qui alterne la réalisation de saynètes drolatiques tirées du quotidien et le documentaire profond. Pour Pork and milk, commencé en 2002 et diffusé à la télévision puis au cinéma, elle a interviewé et filmé en plan fixe des jeunes israéliens devenus laïques alors qu'il ont été élevés dans des familles orthodoxes. À partir de cet objet documentaire, elle a également réalisé une installation intitulée God (2004), d'une durée d'environ 11 minutes, présentée en galerie sur plusieurs moniteurs et à partir de plans différents. Le style documentaire abordé par les artistes est ainsi rarement didactique, commenté, formaté, et il peut également être le fruit d'une fiction.
Pierre Huyghe, lui, a proposé aux futurs habitants d'un quartier résidentiel dans l'État de New York d'inscrire un jour de fête célébrant ce nouveau départ sur leur calendrier. Dans le film Streamside Day Follies (2003), ce point zéro est symbolisé par la virginité idyllique de la scène sylvestre amorçant le film, symbole de la naissance de cette communauté dans un quartier pavillonnaire sorti de terre à proximité des bois, siège des esprits archaïques. La parade procède à rebours. Au lieu de commémorer une histoire, elle en signe les balbutiements. En retournant aux prémisses de l'Amérique, mélange d'esprit de conquête et de respect profond mêlé de crainte à l'égard de la nature, l'artiste a insufflé un peu de mythe et de rituel dans ce nouveau village qui, s'il semble de style « traditionnel », est le fruit d'une architecture préfabriquée. La kermesse fonctionne ici comme un outil destiné à « re-scénariser le réel ». Rien n'est écrit d'avance à Streamside Knolls, même si l'architecture y est très planifiée. La fête a-t-elle lieu tous les ans ? Nul ne sait. Mais, ce jour-là, la réalité a pu être augmentée.
Si Pierre Huyghe tourne avec des moyens proches du cinéma, certains artistes, à l'instar de Matthew Barney avec son cycle Cremaster (commencé en 1997), ont franchi le pas et produit des films au sein de cette industrie. La diffusion de tels objets cinématographiques passe des salles obscures aux musées, mais la place du spectateur n'y est cependant pas la même. Barney procède dans ses expositions à un éclatement du récit elliptique de ses cinq films, grâce à la production de sculptures, de photographies, de mises en scène tirées ou inspirées[...]
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Écrit par
- Rosalind KRAUSS
:
professor of art history , Hunter College, City University of New York - Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
- Bénédicte RAMADE : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain
Classification
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