ARTE POVERA
L'artiste guérillero
La préface à l'exposition de septembre l967, organisée à la galerie La Bertesca à Gênes, est considérée comme l'acte de naissance officiel du mouvement. Si le discours théorique concernant l'Arte povera s'est élaboré au fil des expositions, les propos de Celant évitent tout ce qui tendrait à enfermer les artistes dans un cadre trop rigide. Le critique y fait référence au cinéma de Warhol et à celui de Pasolini, ainsi qu'au théâtre de Grotowski, auquel il emprunte l'adjectif « pauvre ». Avec Arte povera. Appunti per unaguerilla, il donne une dimension politique, voire révolutionnaire aux nouvelles pratiques. « L'artiste devient un guérillero, il veut choisir le lieu du combat et pouvoir se déplacer pour surprendre et frapper. » Un an plus tard, Celant titre lors d'une manifestation à Amalfi, Arte povera + Azionipovere et démontre qu'il convient désormais de sortir de l'objet « pour débloquer toutes les expérimentations évènementielles ». Malgré des débats parfois houleux au sein de la critique, la terminologie fonctionne et le label est désormais identifié. Sur le plan international, le groupe de l'Arte povera participe à l'exposition phare du moment : Quand les attitudes deviennent formes, organisée par Harald Szeemann à Berne en 1969. Les Italiens y côtoient les artistes représentatifs des grands courants du moment, land art, art conceptuel, minimal art. Parmi ceux-ci : Carl André, Robert Kosuth, Robert Morris, Walter de Maria, Richard Long, Robert Ryman ou encore Joseph Beuys.
Ces quelques années où les manifestations et les rencontres se multiplient sont pour les artistes l'occasion d'une intense productivité créatrice. Mario Merz invente son premier igloo (L'Igloo de Giap). Pascali met en espace sa redoutable Vedovablu. Pistoletto crée La Veneredeglistracciqui renvoie à la sculpture antique confrontée à la modernité. Kounellis, dans un geste iconoclaste, installe douze chevaux vivants dans une galerie. Paolini questionne sans cesse le champ clos des éléments constitutifs du tableau. Calzolari met en scène, avec Malina, un chien albinos, figure de l'artiste, qui est aveuglé par les blocs de glace qui l'entourent. Boetti entame son premier dossier postal qui impose la double figure de l'artiste (Gemelli). La production d'Anselmo s'intensifie avec ses blocs de granit où il explore les effets de la pesanteur. Luciano Fabro entame la série des Italia et des Piedi dont la sophistication s'inspire du baroque. Marisa Merz, bien qu'en retrait, travaille avec des fils de cuivre, et installe dans son atelier une grande balançoire aux formes minimalistes. Zorio, dans le jeu des tensions qu'il privilégie, investit l'espace de soufre et de ciment. Quant à Penone, il franchit le pas qui le mène de la forêt à son atelier en dégageant le cœur d'une poutre pour mettre en évidence la mémoire de l'arbre qu'il fut.
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Écrit par
- Maïten BOUISSET : critique d'art
Classification
Média
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