ARTÉMIS
Malgré son nom probablement d'origine anatolienne, le lien qui unirait Artémis à la partie non hellénique de l'Asie Mineure est loin d'apparaître clairement. Son appartenance de longue date au monde grec ne saurait, en revanche, faire de doute, comme l'attestent poèmes et hymnes homériques. Fille de Déméter selon certaines traditions, elle est toutefois plus généralement tenue pour la fille de Zeus et de Lêtô, et pour la sœur jumelle d'Apollon, dont elle possède, si l'on ose dire, tous les traits, mais au féminin ; à tel point que l'on peut considérer les deux Olympiens comme les deux figures opposées et complémentaires (masculin-féminin, esprit-nature) d'une même entité divine (voir sur ce point les thèses de Nilsson et de W. F. Otto).
Ortygie, premier nom de Délos, est le plus souvent citée comme lieu de sa naissance et lui sert parfois de surnom : née la première, Artémis aurait aussitôt aidé sa mère à accoucher d'Apollon. Mais Ortygie veut aussi dire la caille, oiseau migrateur que les Grecs voyaient revenir sur leurs rivages avec le printemps et qu'ils associaient à la déesse. Avec le lion, l'ours, la panthère et le cerf, elle est un symbole pour celle qui vit à l'écart des mortels, se plaisant seulement à courser et à chasser, munie de son arc redoutable, les animaux sauvages des régions boisées et montagneuses de la Grèce (Arcadie, pays de Sparte, Laconie, montagne de Taygète) ; vierge farouche, indomptable, éternellement jeune, elle punit cruellement ceux qui osent s'aventurer sur ses territoires (Orion et Actéon), ou celles de ses compagnes, les Nymphes, qui se laissent séduire par Aphrodite, son ennemie jurée (Callisto et Taygète, in Euripide, Hippolyte).
La « Dame aux fauves » des monuments crétois, la « Pure » (hagnê), comme dit Homère, est, parmi les mortels, la souveraine des femmes : « Zeus a fait d'elle un lion parmi les femmes » (Iliade, XXI). Comme telle, elle les protège (ainsi les Amazones) et leur vient en aide dans les douleurs de l'enfantement. Elle veille aussi sur les nouveau-nés et les jeunes enfants et on la vénère comme nourrice (Kourotrophos) : la fête des tithénidies (tithênidia, nourricière) lui est consacrée à Amyclès, près de Sparte. Mais, déesse des femmes mortes en couches et des morts subites, elle frappe de ses traits foudroyants celles qui l'ont offensée. Ses vengeances sont terribles : ainsi, en compagnie de son frère, elle tue les enfants de Niobé, coupable d'avoir insulté Lêtô (Latone) ; ainsi, elle retient au port la flotte d'Agamemnon et exige le sacrifice d'Iphigénie, la fille du roi, trop vaniteux chasseur : réminiscence à la fois du temps où son culte était marqué par des sacrifices humains et de la suppression de cette pratique puisque Iphigénie, selon certaines versions de la légende, fut finalement épargnée et devint desservante de la déesse en Tauride.
Enfin, comme Apollon, Artémis est porteuse de lumière (phosphoros) : au dieu qui personnifie le Soleil et la clarté du jour correspond la déesse qui éclaire la nuit, celle qui brandit la torche (Sophocle, Œdipe à Colone) et qui est souvent identifiée à la Lune. À ce trait se rapporte sa qualité de guide ailée qui l'apparente à Hermès : elle montre le chemin aux voyageurs et aux fondateurs de cités l'emplacement propice. En Grèce, son principal sanctuaire est à Éphèse. En Italie, où son culte pénètre dès le ~ vie siècle, il assimile et recouvre un culte plus ancien et plus pauvre, celui de la Diane italique et romaine ; mais il y aura loin de la conception latine à l'idée grecque de la Nature.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Robert DAVREU : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur
Classification
Média
Autres références
-
ACTÉON
- Écrit par Robert DAVREU
- 334 mots
- 1 média
-
ARÉTHUSE
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 129 mots
-
DIANE
- Écrit par Jean-Claude DUMONT
- 1 001 mots
À Rome, Diane n'a pas été, à l'origine, tenue pour une déesse indigène ; son premier sanctuaire est érigé sur l'Aventin, donc sans doute à l'extérieur du pomoerium primitif, et Varron la fait figurer dans une liste de dieux qu'aurait, postérieurement à la fondation, introduits le Sabin Titus Tatius....
-
GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - La religion grecque
- Écrit par André-Jean FESTUGIÈRE et Pierre LÉVÊQUE
- 20 084 mots
- 8 médias
...créto-mycéniennes, ramenées au second plan, mais non éliminées : dès 1000, il s'implante sans violence à Délos, au cœur de l'archipel, conservant auprès de lui Artémis, qui l'y avait précédé et dont on fait vite sa sœur, et leur mère Léto ; c'est un peu plus tard, vers 800 sans doute, qu'il prend ...