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GENTILESCHI ARTEMISIA (1593-vers 1654)

Un peintre à l'âge baroque

Artemisia Gentileschi reste à Florence jusqu'en 1620, puis retourne à Rome pour un temps, où elle est enregistrée administrativement comme padrona di casa (propriétaire de la maison). Elle fréquente l'atelier du peintre français Simon Vouet, qui réalisa son portrait (1623), et qui exerça sur elle une visible influence. Artemisia voyage beaucoup, à Venise, à Gênes, puis à Londres (de 1638 à 1640), où elle rejoint son père, qui y est installé et qui y meurt. Elle est devenue une artiste célèbre, appréciée des riches collectionneurs et des puissants, de Louis XIII aux rois d'Espagne et d'Angleterre. Elle fréquente les savants (Galilée) et les humanistes (Cassiano dal Pozzo), mène une vie libre, connaissant toutefois de chroniques problèmes d'argent. Elle se lie d'amour au riche gentilhomme Francesco Maria Maringhi.

Artemisia s'installe à Naples vers 1640, et y demeure jusqu'à sa mort, probablement en 1654 (elle est mentionnée pour la dernière fois en janvier de cette année). Les toiles de cette période représentent des femmes héroïques, ou tragiques, sacrées et profanes, des Suzanne et des Madeleine, des Cléopâtre et des Lucrèce, aux expressions languissantes ou fières, ou encore d'altières allégories.

Judith et Holopherne, A. Gentileschi - crédits : Fototeca soprintendenza speciale per il PSAE e il polo museale della città di Napoli

Judith et Holopherne, A. Gentileschi

À Naples, Artemisia anime un atelier important, avec de nombreux collaborateurs, ce qui explique les inégalités et les dysharmonies dans ses réalisations. Les mains qui ont collaboré aux œuvres ne sont pas faciles à distinguer, ce à quoi s'ajoutent les difficultés d'attribution. Nombre de ses œuvres attestées révèlent une artiste accomplie (Suzanne et les vieillards, La Conversion de Madeleine, Judith et sa servante, Judith et Holopherne, Danae, ou encore Autoportrait en Allégorie de la peinture), capable autant d'un réalisme puissant à la Caravage que d'un raffinement à la Simon Vouet ou d'un sentimentalisme proche de Guido Reni. Artemisia s'est souvent laissée entraîner dans des voies ouvertes par d'autres, mais ce fut également le cas pour nombre d'autres grands artistes de l'époque, qui savaient s'adapter aux modes et exigences des commanditaires.

L'œuvre d'Artemisia est souvent présentée comme la sublimation et la maîtrise d'une expérience traumatisante. L'interprétation psychologique monocausale d'une œuvre qui ressemble dans sa violence à tant d'autres de la même période doit-elle être maintenue ? Les têtes roulent et les membres sont tranchés partout dans l'art de l'âge baroque, si sombre et pathétique. Dans la violence propre au milieu des artistes, Artemisia a su s'affirmer dans un monde rétif à l'idée même d'une femme libre, peintre de surcroît. Une composition, signée, l'exprime peut-être mieux que les Judith, les Dalila et les Jael. Il s'agit de La Nymphe Corisca et le satyre (vers 1636-1640). Dans un mouvement dynamique mais élégant, qui la guide hors du tableau, la nymphe richement vêtue tourne le dos à un lubrique satyre, assis par terre, qui tient dans une main, l'air dépité, la perruque qu'il lui a arrachée en essayant de l'attraper par les cheveux. Le sujet est tiré du Pastor fido, de Giovan Battista Guarini, la pastorale moralisatrice, qui suggère la fuite de la femme sauvant son honneur en laissant derrière elle l'ostentation de sa parure. La nymphe d'Artemisia, à l'expression nullement terrifiée, regarde en arrière se tenant de la main droite la coiffe naturelle, comme si elle voulait dire : « celle-ci, je la donne à qui je choisis. »

— Milovan STANIC

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Média

Judith et Holopherne, A. Gentileschi - crédits : Fototeca soprintendenza speciale per il PSAE e il polo museale della città di Napoli

Judith et Holopherne, A. Gentileschi

Autres références

  • BANTI ANNA (1895-1985)

    • Écrit par
    • 715 mots

    Anna Banti (pseudonyme de Lucia Lopresti Longhi) est née à Florence Elle a excellé dans le roman historique et dans la nouvelle. Servie par une très vaste culture constamment mise à jour, son intelligence critique faisait merveille dans la revue Paragone, dont elle dirigeait la section littéraire...