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ARTENAC (SAINT-MARY), site préhistorique

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Artenac (Charente) : occupations animales et humaines - crédits : Encyclopædia Universalis France

Artenac (Charente) : occupations animales et humaines

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Le site préhistorique d'Artenac est situé en Charente, dans le nord du Bassin aquitain, à une vingtaine de kilomètres au nord-est d'Angoulême. Après la destruction de la grotte sépulcrale éponyme qui a fait connaître l'Artenacien, culture du Néolithique final, la carrière d'exploitation du calcaire ouverte à flanc de coteau en 1972 a révélé le gisement actuel. C'est une cavité étroite et longue, dont le porche effondré, ouvert au sud, domine la vallée de la Bonnieure. Les niveaux archéologiques s'y étagent sur près de vingt mètres. Les deux tiers inférieurs du remplissage sont attribuables au Pléistocène moyen (de 700 000/600 000 à 120 000 ans), tandis que la partie supérieure comprend une série de dépôts datés du Pléistocène supérieur (entre 120 000 et 60 000 ans). Cette succession chronologique en fait un ensemble unique pour le centre-ouest de la France. L'histoire des occupations de la grotte d'Artenac, tant par les grands prédateurs que par l'Homme, est particulièrement longue et complexe (Delagnes, Tournepiche, Armand et al., 1999) ; elle s'articule en cinq phases successives.

Lors d'une première phase, datée de plus de 500 000 ans (Pléistocène moyen), la cavité est utilisée comme tanière par l'ours de Deninger. Les grands félins comme le lion de Gombaszog (ou « jaguar européen ») et le machairodonte (ou tigre à dents de sabre) l'occupent également. La présence de quelques éclats de silex, associés aux restes de ces grands carnivores, indique le passage des hommes. Ceux-ci ne sont en tout cas pas responsables des accumulations osseuses.

La seconde phase d'occupation (entre 300 000/250 000 et 120 000 ans) est marquée par l'accumulation de nombreux restes de chevaux de grande taille (cheval de Mosbach), qui ont chuté accidentellement dans une cavité qui devait alors ressembler à un aven. Au cours de cette phase, les ours ont continué à fréquenter les lieux. Puis ce sont les félins (lion des cavernes, machairodonte) et les canidés (loup, renard) qui élisent domicile dans la grotte. La présence de l'Homme est à nouveau attestée par quelques éclats de silex.

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Une implantation humaine qui semble plus importante ou plus durable caractérise la troisième phase d'occupation du site, qui remonterait au tout début de la dernière glaciation (il y a environ 100 000 ans). Les hommes qui s'installent alors à Artenac produisent des bifaces et des outils sur éclats assez peu élaborés.

La phase suivante (100 000-80 000 ?) révèle une intense occupation de la grotte par les hyènes, alors que la cavité semble être davantage ouverte sur l'extérieur qu'aux phases précédentes. La présence des hyènes explique une importante accumulation osseuse, constituée d'espèces variées.

Enfin, la dernière phase, qui remonte au début de la dernière glaciation (soit à une période comprise entre 80 000 et 60 000 ans), est marquée par la prédominance des occupations humaines. L'Homme supplante alors l'animal dans la fréquentation du site, même si les traces du passage des hyènes sont encore décelables dans les premiers niveaux. Les carnivores qui sont passés occasionnellement dans la grotte à cette période ne l'ont jamais utilisée comme tanière. L'Homme est alors l'agent principal de l'accumulation osseuse, comme en témoignent les nombreuses marques de boucherie et les fragmentations intentionnelles visibles sur les os. Le traitement du gibier sur place est axé sur la découpe de la viande, mais également sur l'exploitation de la moelle. Les faunes introduites par l'Homme, principalement des grands herbivores, sont variées, ce qui indique que les chasseurs préhistoriques n'ont pas pratiqué ici une chasse spécialisée. Les parties anatomiques ramenées dans le site (crânes, arrière-trains, pattes) correspondent le plus souvent aux parties les plus charnues. Parmi leurs déchets alimentaires, les hommes préhistoriques ont récupéré des fragments osseux qu'ils ont utilisé pour la confection d'outils en silex. Ces activités ont donc été pratiquées sur place. Il en est de même pour l'ensemble des opérations de débitage des produits, comme en témoignent les nombreux restes lithiques abandonnés dans la cavité. Le silex a été collecté principalement dans les affleurements de silex du Jurassique moyen accessibles à proximité du site. Les tailleurs ont exploité les rognons de silex selon des principes de débitage élaborés, qui permettent l'obtention d'éclats aux formes prédéterminées avant même leur détachement du bloc de matière première (débitage de type Levallois). Ces éclats ont été en partie transformés en racloirs, qui permettent de classer typologiquement cet ensemble dans le Moustérien Charentien de type Ferrassie. Ces artisans préhistoriques du Paléolithique moyen sont des Néandertaliens, comme l'attestent les deux fragments humains (un maxillaire et un frontal fragmentaires) mis au jour à Artenac en 1995 et en 1996. Cette dernière phase d'occupation s'est achevée sur le plan sédimentaire par le comblement total de la cavité, qui a mis un terme à cette longue séquence tout en scellant l'ensemble des dépôts.

— Anne DELAGNES

— Jean-François TOURNEPICHE

Bibliographie

A. Delagnes, J. F. Tournepiche, D. Armand, E. Desclaux, M. F. Diot, C. Ferrier, V. Le Fillâtre, B. Vandermeersch, avec la coll. de L. Ayliffe, J. J. Bahain, J. G. Bordes, C. Falgueres, L. Froget, N. Mercier, H. Valladas, « Le Gisement pléistocène moyen et supérieur d'Artenac (Saint-Mary, Charente) : premier bilan interdisciplinaire », in Bulletin de la société préhistorique française, t. 96, n0 4, 1999.

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