ADAMOV ARTHUR (1908-1970)
Concilier le théâtre d'Artaud et celui de Brecht
La venue à Paris du Berliner Ensemble, en 1954 et 1955, et la découverte du fait brechtien vont marquer Adamov, qui se lie à la revue Théâtre populaire. Dans Le Ping-Pong (1955), où les mécanismes idéologiques apparaissent à travers la fascination exercée par un billard électrique, il pose avec force la nécessité de nouveaux rapports entre les individus, non plus des rapports d'hostilité, de concurrence, d'indifférence, mais de tendresse, d'amour, d'amitié, de solidarité. Paolo Paoli (1956) pousse le démontage des mécanismes sociaux et s'emploie à montrer la circulation de la marchandise en système capitaliste à une époque donnée : plumes et papillons de la Belle Époque, mais la marchandise principale, que le spectateur doit découvrir « à la périphérie », est l'ouvrier Marpeaux.
Adamov a décidément pris conscience que la vie n'est pas « absurde », elle est « difficile, très difficile seulement ». S'opposant à la guerre d'Algérie, il se rapproche du Parti communiste, dont il restera un « sympathisant ». Il écrit Le Printemps 71 (1960), inspiré par la Commune de Paris. Le Temps vivant, pour la radio, et La Politique des restes (1962) partent de la lecture d'observations psychiatriques resituées l'une dans l'Allemagne nazie, l'autre dans un contexte de ségrégation raciale. Il traduit Le Théâtre politique de Piscator. En 1964 paraît Ici et maintenant, recueil de textes sur la pratique théâtrale. C'est au cours d'une longue période de maladie qu'il travaille à Sainte Europe (1965) et à M le Modéré (1967), ainsi qu'à L'Homme et l'Enfant (1968), livre de souvenirs et journal où il reconstitue des scènes de sa vie et les interroge en phrases brèves et fulgurantes. Ses dernières œuvres (Off Limits, 1968 ; Si l'été revenait, 1969 ; Je... Ils..., réédition de L'Aveu suivie de courts textes autobiographiques ou érotiques, 1969) procèdent de cet art qu'il souhaitait, « contraint de se situer toujours aux confins de la vie dite individuelle et de la vie dite collective », reliant les fantasmes et les névroses aux contradictions sociales. Elles rendent compte d'une extrême tension vers l'avenir : loin d'être un théâtre du désespoir, le théâtre d'Adamov est un appel à la lutte, lutte pour « tenir » dans une société en crise, et pour instaurer d'autres relations humaines. À cet égard, son itinéraire est exemplaire, de la classe des trafiquants de pétrole à la « classe à l'attaque », comme l'appelle Maïakovski. L'entreprise d'Adamov, tentative plus ou moins inconsciente de concilier l'héritage d'Artaud et celui de Brecht, était sans doute en avance sur la dramaturgie de l'époque. Il a pourtant rencontré, en la personne de Jean Vilar, Jean-Marie Serreau et Roger Planchon, des metteurs en scène qui ont su montrer sa modernité.
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Écrit par
- Jacques POULET : critique dramatique
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