GRUMIAUX ARTHUR (1921-1986)
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Pépinière de violonistes de grand talent, l'école franco-belge du violon a compté peu de vedettes depuis la disparition d'Eugène Ysaÿe, en 1931. Arthur Grumiaux en était l'un des phares, et s'il a toujours refusé une certaine commercialisation de son art, il était reconnu de tout un public pour la pureté et la sobriété de ses interprétations ; phénomène plus rare et qui mérite d'être souligné, il jouissait de l'estime de l'ensemble de ses collègues.
Arthur Grumiaux voit le jour dans un petit village du Brabant belge, Villers-Perwin, le 21 mars 1921, dans une famille où le rôle de la musique est déjà primordial. Son grand-père lui enseigne le solfège et, le voyant mimer un violoniste avec des morceaux de bois, lui offre son premier violon. À cinq ans et demi, il se présente pour la première fois devant un public. Mais ses parents refusent les aléas d'une carrière d'enfant prodige. Il reçoit une formation générale et travaille le violon et le piano au conservatoire de Charleroi, où une dispense de cinq ans lui est accordée pour accéder à l'établissement. En 1932, nanti de ses diplômes de piano et de violon, il hésite sur l'instrument à adopter. Ses parents choisiront le violon, mais il restera un excellent pianiste, à l'image d'un de ses futurs maîtres Georges Enesco. Au conservatoire de Bruxelles, il travaille avec Alfred Dubois, un disciple d'Eugène Ysaÿe, et obtient un premier prix de violon en 1935. Il étudie également la fugue avec Jean Absil et remporte un premier prix d'harmonie. Lauréat du concours Vieuxtemps, en 1939, il vient ensuite à Paris étudier avec Georges Enesco. À son retour à Bruxelles, il remporte le concours national belge.
Sa carrière naissante est interrompue par les hostilités et par son attitude politique intransigeante. Il donne néanmoins quelques concerts en Belgique qui permettent à l'occupant de prendre la mesure de son talent et de faire pression sur lui pour qu'il accepte les fonctions de Konzertmeister (violon solo) de l'orchestre de la Staatskapelle de Dresde. Il refuse et préfère se réfugier dans la clandestinité. À la Libération, sa carrière prend vite un essor international. Il est nommé assistant de son maître Alfred Dubois au conservatoire de Bruxelles ; il lui succédera en 1949 avant d'enseigner également à la Chapelle royale de Belgique. En 1945, il donne la première audition européenne du Concerto de William Walton, que Walter Legge venait de lui faire découvrir. En 1950, peu avant de mourir, Dinu Lipatti lui demande de former un duo avec lui. L'histoire en décidera autrement, la mort de Lipatti et la rencontre avec Clara Haskil à Prades cette même année, grâce à Pablo Casals, donnant naissance à l'un des plus fameux duos violon-piano du xxe siècle. Un an plus tard, il effectue sa première tournée aux États-Unis. En 1955, il donne à Paris la première audition moderne du Concerto pour violon no 4 de Paganini, une partition jusqu'alors perdue et qui venait d'être redécouverte. Deux ans plus tard, il réussit le tour de force d'enregistrer, en re-recording, les parties de violon et de piano de la Sonate no 2 de Brahms et de la Sonate K 481 de Mozart. Toujours avide de découvrir certaines formes musicales injustement ignorées, il fonde en 1967 un trio à cordes avec Georg Janzer – l'altiste du Quatuor Végh – et la violoncelliste Eva Czako, avant de constituer de nouveaux duos violon-piano avec György Sebök puis avec Walter Klien. Sa carrière ne connaîtra ni éclipse ni développements excessifs. Elle restera en marge d'une publicité tapageuse jusqu'à sa mort subite, le 16 octobre 1986, à Bruxelles.
Détenteur de la tradition de l'école franco-belge, illustrée par Henri Vieuxtemps, Eugène Ysaÿe et César Thomson, Arthur Grumiaux faisait figure d'aristocrate de la musique. Sa quête incessante de la perfection – un peu crispante pour son entourage – et la pureté de son style en ont fait un des plus éminents mozartiens de la seconde moitié du xxe siècle, en sonate avec Clara Haskil ou seul : en 1956, il enregistre une première fois les concertos de Mozart, à Vienne, pour le bicentenaire de la naissance du compositeur, avec Rudolf Moralt. Il en réalisera une seconde gravure sous la direction de Colin Davis quelques années plus tard. Mais son répertoire ne se limitait pas au maître de Salzbourg : de Bach à Berg, Stravinski ou Bartók, il savait mieux que quiconque faire chanter son instrument avec une profondeur et une retenue poignantes. Cette approche convenait peut-être mieux aux élans trop souvent excessifs de la Symphonie espagnole de Lalo ou au Concerto à la mémoire d'un ange de Berg qu'à des œuvres exigeant un engagement passionnel. Mais son enregistrement des sonates et partitas pour violon seul de Bach reste un modèle de vie qui a été choisi comme l'un des témoignages de notre civilisation envoyés dans l'espace à destination d'habitants éventuels d'autres planètes : la Partita no 3 figure parmi les œuvres gravées sur les disques emportés par les sondes interplanétaires Voyager. L'artiste se doublait d'un homme étonnamment vivant, fin gastronome et parfait œnologue. Il jouait en alternance sur deux instruments particulièrement précieux, un stradivarius de 1727, le Titan, et un guarnerius del gesù de 1744, le Hemmel.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Autres références
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HASKIL CLARA (1895-1960)
- Écrit par Pierre BRETON et Encyclopædia Universalis
- 1 593 mots
- 4 médias
...Kubelík, Carl Schuricht, Carlo Maria Giulini, Igor Markevitch, Ferenc Fricsay, Ernest Ansermet, Otto Klemperer – se l'arrachent. Elle fonde avec le violoniste Arthur Grumiaux l'un des plus fameux duos de l'époque et enregistre une intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven qui fait encore référence....
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